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lundi, 09 avril 2012

LE JOUR OÙ J’AI RATÉ L’HOMME DE MA VIE

Dear diary,

Un jour, c’était le vingt-quatre juin il y a deux ans (je me souviens parce que c’était la fête du Québec) j’ai raté l’homme de ma vie.

L’histoire, c’est que donc j’avais décidé de fêter la fête du Québec avec mes copines québécoises de visite à Paris, on devait aller à l’ambassade où c’était le partèh, manger de la poutine et boire de la vinasse, et après - Dieu seul sait.
Nous voilà donc à l’ambassade, à se faire grésiller les oreilles de cet accent merveilleux, à ne plus savoir si on parle anglais ou français, à se rouler dans l’herbe.

Tout québécois aux alentours commençait à devenir drôlement tonitruant, et d’un seul coup, nous voilà tous dans le métro, direction Mouffetard.Les québécois n’étant qu’une grande nation par delà le monde, je me retrouve dans un bar québécois plein de québécois - je ne savais pas qu’il existait, mais en même temps, je ne mets jamais les pieds rue Mouffetard.La bière coulait à flot, et d’un seul coup, c’est reparti, tout le monde dehors.Moi je suivais, toujours docile, seule française de France dans le groupe. De bars en bars, on se retrouve quelque part pas loin de polytechnique, dans un bar dont j’ai oublié le nom (un truc de violon, non?) qui était le seul ouvert à cette heure avancée de la nuit.

Là j’ai un peu commencé à saturer. J’avais plus de clopes, plus de monnaie, et Shakira, au sous-sol, j’avais du mal. Mais bon, je suis une super copine alors je reste.J’étais un peu plantée au milieu de la salle comme la petite grosse à lunettes sans cavalier au bal de promo. Je suis pas très forte en dandinage, alors j’observe un peu les gens.

Et là, comme dans un film avec Richard Gere, je croise le regard d’un mec, on se fixe pendant dix plombes, et pouf, je le perds.

Je m’ennuie, je m’ennuie, j’ai envie d’une cigarette, alors je décide de remonter dehors, histoire de taxer quelqu’un (la bonne chose avec cette loi, c’est que les fumeurs sont tous parqués au même endroit), et là: le mec du film avec Richard Gere.

Parfaite technique d’attaque, la cigarette.

On commence à discuter de banalités, puis de trucs intéressants, ça finit par être une longue conversation.

Mes copines passent voir si je suis vivante, retournent dansouiller. Son pote fait une apparition. On continue à discuter. Il est étudiant en journalisme à Lille ou je ne sais où. Il fait un stage à Paris. Il s’appelle Julien. Il est formidable. Pour une fois, je ne suis pas obligée de citer les noms des premières démo de groupes de garage obscurs pour qu’on réussisse à s’entendre, je ne parle même pas de musique, je ne dis même pas que je suis graphiste pour me donner l’air intéressant. Je ne dis même rien pour me donner l’air intéressant, et on parle et on parle.On parle pas mal de littérature. Je suis aux anges. Toute personne qui me connaît sait qu’il faut me parler de livres. Et en plus il me drague pas. Il a juste. toute. mon. attention. Je crois que ça a duré trois heures, mais ça peut aussi être mon imagination. Toujours est-il qu’il faisait jour quand on est partis.On rentrait chez moi avec les québécoises, il partait en taxi je ne sais où. On se sépare.

Chouette conversation.

Super chouette.

Salut.

Ouais salut.

Je rentre chez moi.

Putain.

Putain.

Putain.

Je connais même pas son nom.

Putain.

Mais quelle imbécile.

Et c’est comme ça que j’ai raté l’homme de ma vie. J’en ai trouvé deux mille, des Julien, sur Facebook, qui faisaient des études de journalisme à Lille, mais lui c’était bien le genre à pas être sur Facebook. Et à tous les coups, il a pensé que j’étais une vieille meuf saoule et que je lui ai tenu la jambe pendant bien trop de temps. Et si ça se trouve c’était un connard, en vrai.Mais le truc, c’est que je ne saurai jamais.

Jamais jamais.

Pour autant que je sache, je l’ai vraiment raté.

Anna Wanda

Directrice Artistique et illustratrice
Anna est née en 1990 et se balade avec un collier où pend une patte d'alligator. Graphiste et illustratrice particulièrement douée (sans déconner), elle n'est pas franchement la personne à inviter pour une partie de Pictionnary. Toujours motivée et souriante, c'est un rayon de soleil curieux de tout et prêt à bouncer sur un bon Kanye West, tout en te parlant de bluegrass. Par contre, elle a toujours des fringues plus jolies que toi. T'as donc le droit de la détester (enfin tu peux essayer, perso j'y arrive pas). SON SITE PERSO: http://wandalovesyou.com