Bon alors, les histoires dans les Sentai vous vous dites que c’est bien la dernière chose à aller voir ! Sérieusement, on peut regarder Mad Men ou les Sopranos et moi je vais vous parler de séries japonaises pour enfants ?
A vrai dire, dans les années 1980 les histoires n’étaient vraiment pas géniales, bien que l’on puisse distinguer des perles. Je vais me concentrer sur une série diffusée en France :
Liveman raconte l’histoire de trois héros, qui se battent contre trois de leurs anciens camarades. Les six protagonistes nous sont présentés comme élèves à l’Academia, un genre d’école pour scientifique internationale, une utopie complètement irréalisable même aujourd’hui.
Les trois anciens camarades se sont échappés de l’Academia (tuant deux élèves au passage) pour se mettre sous les ordres du Docteur Bias, chef de l’armé Volt, sous prétexte qu’ils étaient trop intelligents pour le niveau de l’Academia. L’armée Volt aurait sûrement plus à leur apporter et c’est comme cela qu’ils ont décidé de s’enrôler.
Pour résumer, l’histoire nous raconte la descente aux enfers de ces trois individus, sous le regard impuissant des trois héros, et ce à travers une critique du système scolaire japonais. SI JE VOUS PROMETS !En effet, de nos héros issus d’une école d’élite, aux trois antagonistes qui pensaient valoir mieux que ça, en passant par des épisodes où des monstres se nourrissent du stress des élèves qui bûchent, tout tourne autour de cette question du système scolaire.
Dans la seconde moitié de la série, les trois antagonistes sont classés Bias à travers un système de notation, qui n’est là que pour augmenter leur efficacité en les mettant en compétition.
Et c’est là que la vraie descente aux enfers commence. Le docteur Mazenda, spécialisée dans la robotique, s’était transformée en cyborg (genre sa main c’est un pistolet, elle a un fusil à pompe dans les coudes, et elle lance des missiles de ses genoux). Afin d’obtenir une meilleure notation, elle décide de se transformer complètement en robot, épargnant cependant son cerveau. Ce qui lui vaut d’obtenir le score de 999 et…de se faire poursuivre par Bias, qui veut maintenant se nourrir de son intelligence, car le VRAI BUT DE BIAS (retentissement) c’est d’obtenir la jeunesse éternelle en s’appropriant les neurones de grands scientifiques.
Mazenda s’échappe de la base avec à son dos toute l’armée Volt. Nos trois héros décident de la sauver, car celle-ci regrette tout ce qu’elle a fait, mais elle est finalement capturée. Elle décide donc, afin de sortir de ce cauchemar…de transformer son cerveau en ordinateur, et de se suicider. Le suicide était pour sa repentance, mais pourquoi transformer son cerveau ? Tout cela pour empêcher Bias de se l’approprier, même après sa mort.
Le message à Tarô, 5 ans, qui regarde la série : le cerveau est ton temple, l’endroit dont on ne peut disposer sans ton accord. La société de compétition n’est pas la solution. Sois libre comme les Liveman qui ont utilisés leurs connaissances pour le bien !Mais le mieux dans tout ça, c’est que même si elle meurt, il reste en fait un autre des trois qui lui aussi était en phase de transformation corporelle (il s’agissait plus de génétique pour lui). Cependant, quand il apprend, avec la mort de Mazenda, ses succès ne profiteraient qu’à Bias… il s’en réjouît, et offre son cerveau à son maître. Bias se nourrit donc de son cerveau (je sais Beuark)…et lui devient un monstre. Voilà l’idée : deviens un monstre si tu ne fais que penser à toi qu’à travers les autres.
SURANALYSE ? Que nenni ! Le scénariste principale voulait vraiment faire passer ce message. Le Japon était en plein période de bulle économique, tout allait au mieux. Les séries Sentai étaient regardées par presque tous les enfants et leurs parents. Mais dans cette société, il y avait un truc qui puait. Et ça avait sûrement à voir en partie avec l’éducation des enfants.
Les scénaristes, pas trop cons quand même, avaient remarqué la puissance d’audience du show…et ont décidé de l’utiliser à bon escient.Est-ce que cela a marché ? Sûrement pas. Mais l’intention était là…et c’est la vraie bonne chose ! Si ça vous a plus, je peux passer à une autre série.
Jetman, on l’a aussi eu en France. Et surtout, c’est LA série qui a tout changé au Sentai. En effet, bien que Liveman semble être super dark avec ce que j’ai dit, la série ressemble aux autres si on ne se plonge pas dans la suranalyse comme je l’ai fait: des mecs en spandex qui se foutent sur la gueule.
Mais Jetman a tout changé.
On reprend. Dans les épisodes précédents, je vous avais parlé de Bandai, le fabricant de jouet, producteur principal de ces séries. En 1990, les ventes de jouets ont été pourries de chez pourri. La bulle venait d’exploser, et les parents avaient autre chose à faire que d’acheter des jouets hors de prix à leurs enfants. Les Sentai, franchise vieille de plus de 15 ans allaient devoir s’arrêter. Bandai devait reconcentrer ses activités, dans des jouets moins chers et qui demandaient moins d’investissement.
Bandai prévient donc : si la série de 1991 ne fait pas vendre des joujoux à outrance, tout est fini.
Les mecs de la Toei décident alors d’en profiter pour faire tout ce qu’il n’avait jamais pu faire…soit parce qu’ils voulaient que les Sentai connaissent un grand final, soit parce qu’ils n’en avaient plus rien à battre, et qu’ils voulaient juste s’éclater avant d’être au chômage.
Jetman c’est toujours l’histoire de mecs en collant, mais comme on dit, le diable se cache dans les détails.
Cette série était en fait un prétexte pour faire une bonne série pour adolescent. Pour faire simple : la série nous parle d’un triangle amoureux, voire d’un carré amoureux voire d’un pentagone amoureux.
L’histoire commence ainsi : les cinq héros, Jetman, font le test final de leur combinaison de combat. Cependant, avec un timing de malade, les méchants de la série, une bande d’enquiquineurs venant d’une autre dimension, attaquent à ce moment la terre, et plus particulièrement le centre de commande des Jetman. Hormis le chef (force rouge), trois se font tués, et la dernière, en fait la fiancée du chef, se fait aspirer dans l’autre dimension. Les pouvoirs des Jetman morts sont répandus dans l’air et trouvent refuge dans quatre personnes aux quatre coins du mond… du Japon.
L’équipe déjà met un temps fou à se former. Les quatre pauvres mecs qui se sont retrouvés avec les pouvoirs se font prier pour être retrouvés et/ou n’en ont rien à foutre d’être les héros de la terre. On a une fille de bonne famille qui veut juste s’éclater et sortir de son train-train quotidien, une lycéenne de 16 qui a franchement autre chose à foutre, un fermier qui voudrait juste s’occuper de ses vaches, et un rebelle du système qui veut bien se battre mais à condition qu’on vienne pas l’emmerder. La série met un temps fou à donner l’impression qu’on a une équipe au complet, et encore, on n’en a toujours pas l’impression après de nombreux épisodes. Comme s’il restait quelque chose d’inachevé.
Surtout, un malaise s’installe : la fille de bonne famille gagne les grâces du rebelle. Cette dernière est attirée par le chef (force rouge), mais ne dirait pas non aux avances du rebelle. Cependant, force rouge est complètement déstabilisée car l’une des générales des méchants ressemblent à s’y méprendre à son ancienne fiancée.
Dans un épisode, il en perd carrément la tête, et on le voit faire de la balançoire en parlant avec…personne. Il est dans un état de choc après avoir combattu ladite générale, et se réfugie dans une chimère, et ça inquiète pas mal de monde (oui je sais, ça semble nul, mais c’est vraiment bien filmé, de un, et c’est toujours l’idée suivante : c’est dans une série pour enfants).
Cependant, un des autres généraux, qui est un robot à part entière, tombe amoureux de la générale…qui le rejette, mais seulement car il n’est qu’un robot.
La fin de la série est l’une des plus belles fins que je connaisse.
/* SPOILER */
Après avoir détruit les méchants, et pour force rouge, assistait au suicide de son ancienne fiancée, la série finit sur le mariage de la fille de bonne famille avec le même force rouge qui apparemment est passé à autre chose.
Le rebelle, toujours amoureux de la fille de bonne famille et en route pour la cérémonie, voulant sauver une vieille dame qui s’est fait volé son sac, poursuit le voleur…et se prend un coup de couteau.
Il parvient malgré tout à se rendre à la cérémonie, quand les mariés sortent de l’église mais comprend qu’il va bientôt mourir et s’assoit sur un banc. Force rouge le voit au loin, vient s’assoir près de lui, ne remarque en rien la blessure, et lui dit de les rejoindre. Le rebelle répond qu’il veut juste resté un peu assis. La série se termine sur lui, mort sur le banc, pendant que l’amour de sa vie se marie avec son meilleur ami, qui a retrouvé l’amour après avoir vu son ex-fiancé se suicider. En effet, à quoi lui servirait-il de vivre encore plus. Il a accompli sa mission en tant que Jetman, a sauvé la terre, mais ne pourra plus jamais trouver l’amour.
/* FIN DU SPOILER */
Vous trouvez que c’est pour les enfants vous ?
Pas moi.
Je pourrais encore vous parler de BEAUCOUP de séries du genre qui ont existé après Jetman. Car en effet, Jetman, en détournant les codes du genre a connu un succès phénoménal, aussi bien auprès des enfants, des parents, et surtout des jeunes adolescents, nouvelle cible des séries. Les ventes de jouet qui avaient atteint des sommets, ont permis à Bandai d’investir encore plus les années suivantes. Et surtout ont permis de dépasser une barrière qualitative aux scénaristes.
La série a sauvé les Sentai. Et ce succès a été l’un des arguments de Haim Saban, le mec qui a créé Power Rangers, lorsqu’il a vendu le concept à la Fox. En montrant les parts d’audience du genre Sentai aux chaînes américaines, il a eu carte blanche.Voilà donc pour les histoires des Sentai. Cette partie, bien que descriptive, est à catégoriser dans le « pourquoi j’aime les Sentai ».
Cependant, je vais essayer de voir un peu plus loin.
Pourquoi tu aimes les sentai ?
J’aime les Sentai pour tout ce que je viens d’écrire. 18 pages sur Word ne peuvent être rédigées que par pure passion. Mais les Sentai m’ont aussi beaucoup aidé dans la construction de ma personnalité je pense. Marine, lorsque nous avons discuté du fait que l’article était peut-être trop descriptif, a fait remarquer que l’on pouvait peut-être creuser et trouver une réflexion sur l’adulescence.
Si je me compare au reste du monde, je pense que je ne suis pas différent et que je suis bien un adulescent. Le succès des films de super héros prouvent que l’adulescence gagne bien tout le monde.
Non, je crois plutôt que cette adulescence mondiale est due au fait que les enfants de notre génération ont eu droit à des enfances dorées de l’écran, et que ce que l’on voit maintenant au cinéma n’est que la retranscription de rêve d’enfants qui voulaient eux aussi voir leurs héros dans les salles sombres.
Cependant, si j’oublie ce contexte, je crois juste que les Sentai sont vraiment vecteurs de beaux messages pour les enfants. Ils leur donnent une vision de ce qui est bien et mal, leur apprend à ne pas juger leur prochain. Mais contrairement aux séries moralisatrices qui vomissent ces messages aux enfants en occident, là tout est…comme dans une bonne série. Tout est supposé, sous-entendu à travers l’histoire, les actions des héros, le contexte, les prises de vue.
Ces séries ont un succès auprès des adultes. Certains magazines leur sont même consacrés. Quand vous lisez les interviews des réalisateurs qui expliquent comment ils ont pu réfléchir aux angles de prise de vue, des compositeurs qui réfléchissent à quelle musique composer en fonction du thème de la série, vous voyez un véritable travail de réflexion, qui ne doit sûrement pas être à la base des séries pour ado… chez Disney Channel par exemple (complètement choisi au hasard)
Ces séries respectent en fait leur audimat : bien que parfois bouffonne, elles savent qu’elles ont à faire à des personnes sensées, les enfants, qui ne sont pas que des cons.
Aux Etats-Unis, je pense que c’est plus la réflexion : notre audimat est con, ce sont des enfants. Créons des conneries.Je dois vous avouer que mon enfance a été bercée par les Sentai et par les anime japonais. Surtout, j’étais un véritable enfant de la télé. J’adorais la télévision. Mais cela n’a pourtant pas fait de ravage à mon cerveau. Quand je regarde les séries pour enfants de nos jours, hormis Cartoon Network, je ne vois vraiment rien de bon. Vous vous dites que je suis réac, mais bien que DETESTANT la télé japonaise, je suis toujours émerveillé de la qualité des programmes pour enfants.
La chaîne nationale NHK produit des shows éducatifs avec le soutien d’une armée de psychologue, et de spécialistes de l’éducation. Ce que le système éducatif pourri japonais ne fait pas est compensé par la NHK je dirais. Et je crois que c’est ce respect pour les enfants, et donc pour l’audimat, qui fait que j’aime ces séries. J’ai une amie japonaise dont l’enfant m’adore, et avec qui je peux passer des heures à regarder la télé : on danse, on commente ensemble. C’est vraiment génial. Ceci alors que je n’ai pas la télé chez moi.
La grande question reste de savoir pourquoi la télé japonaise est aussi mauvaise lorsqu’il s’agit de séries pour adultes. Mais je digresse.
Bref, malgré toute la télé que j’ai pu ingurgiter enfant, j’ai toujours ressenti ce respect envers ma personne. Je regardais petit pour les combats, mais venue l’adolescence, j’ai compris qu’il y avait bien plus derrière. Et j’ose le dire : si je suis arrivé où je suis maintenant, à vivre au Japon, sans pour autant faire un travail lié à tout cela, mais un bon travail de bureau bien caricatural, c’est grâce au Sentai. Si je parle aujourd’hui couramment japonais, c’est grâce au Sentai.
Je me révèle un peu à toi cher lecteur. Certains de mes plus proches amis ne le savent même pas.
Voilà, lectrice de Retard. Tu connais mon plus intime secret maintenant.