Vivre aux États-Unis, parfois, ça fait mal au cerveau.
Il y a quelques mois, j’ai lu «Eating Animals» de Jonathan Safran Foer. Ça partait d’une honnête envie de m’informer sur le système de production de la nourriture aux États-Unis.
Je suis un peu comme ça. Comme je travaille chez moi, j’écoute des podcasts toute la journée sur n’importe quel sujet, histoire que le fait que je ne parle à personne ne transforme pas mon cerveau en guimauve, et je lis des bouquins de théorie et ce genre de trucs, pour faire semblant d’être cultivée quand parfois je sors de chez moi.Donc j’ai lu ce livre.
Au départ ça allait, honnêtement, je ne suis pas insensible, mais je considère qu’on ne pourra jamais rien changer à la façons dont les animaux dans les fermes industrielles sont traités, l’homme est cruel, c’est pas nouveau. Le chapitre qui m’a fait presque rendre mon petit-déjeuner sur mon voisin de bus par contre, c’est quand Foer s’est mit à parler des infections et maladies que l’on néglige de traiter avant d’envoyer la viande dans les supermarchés. Là, ça a tilté dans ma tête, toutes ces allergies invraisemblables qu’ont les américains, les épidémies de grippe qui n’ont aucun sens, je veux dire, on vit dans un monde moderne, non. Bam, tout ça, c’est la viande. Je dis pas que j’ai raison, hein, et je ne tiens pas à vérifier, je n’ai pas envie d’apprendre des trucs pires. Merci.
À la suite de la lecture de ce livre, je n’ai pas vraiment fait exprès, mais j’ai arrêté de manger de la viande.Il s’en est également suivi une écoute intensive de podcasts sur des sujets de santé et de nutrition qui m’ont un peu fait péter les plombs.Progressivement, je me suis regardée devenir complètement paranoïaque, trop de high fructose corn syrup dans mon ketchup et de sodium dans ma soupe, trop de fluor dans l’eau, trop de pollution dehors.Ma colocataire passe sa vie à se moquer de moi en mangeant des chips, mais j’ai pas l’impression d’exagérer, j’ai juste l’impression d’être consciente. C’est comme ça que je suis logiquement arrivée au Lemon Cleanse de Beyoncé.C’est pas Beyoncé qui l’a inventé, c’est un mec dans les années 1940, et c’est pas fait pour perdre du poids à la base, c’est un régime détoxiquant. Genre c’est même utilisé dans les centres de réhabilitation et ce genre de trucs.L’idée c’est de vider son corps de tous les trucs dégueu que tu peux absorber au travers de la nourriture que tu manges. Concrètement, tu ne bois que du citron et tu ne manges rien pendant une semaine.
Alors maintenant, le caissier de mon supermarché, celui que je trouvais mignon en plus, pense que j’ai des problèmes de constipation, j’ai bien vu comment il a regardé ma tisane, et ma coloc ne peut plus voir les citrons en peinture. Rester stoïque en regardant des gens manger, ou quand on te souffle de la fumée de cigarette dessus, c’était un peu une autre paire de manche, mais ça fait partie du masochisme, hein. C’est comme se prouver à toi-même que tu es un martyr, une sorte de super héros, quoi. J’ai testé les bars où tout monde est saoul et toi tu bois de l’eau, c’est assez rigolo. Tu es la seule personne à te souvenir de tes conversations. J’ai même fait pendaison de crémaillère avec alcool et tout ça à volonté. Bam bam, je buvais du thé. Trop forte. Et après, j’avoue que se réveiller en forme, c’est plutôt pas mal.Enfin en forme, il faut le dire vite, on a déménagé, et j’ai vu des petits points noirs partout et j’ai failli m’évanouir au bout de la troisième fois que je montais les escaliers. SALUT L’INCONSCIENCE.
Enfin à part si tu décides de courir un marathon, c’est pas tellement difficile à tenir comme épreuve, mais je me suis découvert une obsession maladive pour la nourriture, qui tirait drôlement sur la névrose.Genre quand on a déménagé, j’ai insisté pour m’occuper des cuisines dans toutes leurs étapes, après, j’ai passé ma semaine sur Tastespotting à sauvegarder des recettes de biscuits à la banane dans mes favoris Google. Conclusion de cette semaine de famine: j’ai développé une aversion intense pour le poivre de cayenne, je fais des cauchemars impliquants des citrons, je peux sentir un KFC à deux kilomètres et j’ai même pas perdu quinze kilos pour rentrer dans du XS, mais je me sens un peu plus proche de Beyoncé, maintenant.