RETARD → Magazine

mardi, 21 octobre 2014

J’ai vécu une soirée Erasmus un soir d’Oktoberfest (et j’y ai survécu)

Par
illustration

Tel Romain Duris quand il avait encore des cheveux et faisait frémir nos esprits échauffés par une puberté débordante, j’habite dans ce qu’on pourrait appeler une auberge espagnole. Concrètement, j’ai débarqué il y a six jours dans un 85m2 barcelonais que je partage avec une italienne, un espagnol, un tchèque et une toulousaine. (Quoi c’est pas un pays le Languedoc ?)

Pas d’ombre à l’horizon de ce beau paysage (les bruits de coït sont pour l’instant plutôt légers), jusqu’à ce que mon coloc’ tchèque me propose de faire soirée avec lui. N’ayant pas encore commencé la fac, mes journées se résument pour l’instant à rattraper mon retard dans Sons Of Anarchy (S4, Episode 2). M’extirper de mon lit avant 16h est donc assez compliqué en ce moment (S4, Episode 5).

Un cendrier renversé me pousse vers la douche (le traître) et j’en viens à me demander si, quitte à être propre, je ne pourrais pas en faire profiter la face du monde. Ne me jugez pas : quand on a travaillé tout l’été, on se retrouve fort dépourvu une fois la glande de la rentrée venue.

Jaroslav (ça se prononce “Yarda” mais m’en demandez pas plus, l’étymologie tchèque est une science à part entière) débarque tout droit de Prague pour faire son Erasmus d’anglais. Dès son arrivée à Barcelone, il s’est enfoncé dans les méandres de l’internet. Non, pas le deep web, ni l’intégrale Star Trek : les groupes facebook pour étudiants en Erasmus. À lui les boîtes sur la plage qui passent du Pitbull à 1008 db et les before dans les bars où ton dessous de verre est le corps d’un autre être humain.

Sans prétention, j’ai déjà fréquenté ces cercles à ma sortie du lycée où, comme la moitié des franciliens de 18 ans, je suis partie me pinter la gueule avec mes potes sur la côte catalane. L’idée du revival est dure mais celle des cocktails à 4€ aidant un peu, j’accepte de le suivre.

Je me retrouve devant un bar bondé du centre-ville, surveillé par deux cerbères. Il n’est que 21h mais ils ont déjà pour mission d’empêcher les vioques du dessus d’appeler la garde nationale à chaque fois que trois clampins sortent assouvir leur dose de nicotine. L’intérieur du bar a quant à lui un certain goût d’apocalypse. Vous voyez ces gens chelous qui débarquent à 200 dans votre bar habituel, WOOOO Girls overdressed pour les unes et gello-lactés en chemise pour les autres ? Ben c’est ça, mais avec l’option nudité et beer pong en plus.

J’essaye de me fondre dans la masse et de ne pas m’enfuir en courant comme une vierge de la cuite effarouchée. Je tente même de me convaincre que les kirs-melon en terrasse c’est peut-être plus tranquille, mais au final sacrément bourge. Ici au moins on a le choix entre une multitude d’activités : dérivés du TGV (tek-gin-vodka pour les incultes), strips-jeux en tous genres et karaokés sur “I Love It” d’Icona Pop tous les quarts d’heure. What else ? Ah oui, on peut boire sur le torse de quelqu’un. Et les cris des WOOOO Girls t’empêchent d’avoir à taper conversation avec ton voisin de droite zyeute-moi-plus-jtai-pas-encore-cramé.

Six Caïpi au compteur, il est 1h et on part en direction du Razzmatazz, l’un des bastions de la nuit barcelonaise. Le genre de boîte tellement grande que tu dis au revoir à tes potes à l’entrée. Le “Raz” étant réputé pour sa prog électro plutôt quali, ma soirée n’est peut-être pas encore perdue.

Sauf que comme mentionné plus tôt, on est mercredi, un soir d’Oktoberfest. Saint-Patrick pour les schleuh quoi. Je vous en ferais pas un Rembrandt : imaginez un petit millier d’étudiants survoltés, entassés dans un faux warehouse qui tabasse du Katy Perry, avec des bavaroises (si, si des vrais, avec le costume traditionnel et tout) qui pouf-dansent sur les podiums. Il est 2h30, l’ambiance est à son max.

YOUPI me voilà sauvée, la pinte est à 5€ même en club. Enfin elle se transforme rapidement en demi une fois passés les dix mètres de pogos autour du bar. Au revoir la douche, cool de t’avoir croisée. Une fois arrivée sur le dancefloor, mon âme d’apprentie-journaliste vaguement habituée à parler, lire et penser musique 22h/24, prend le dessus : le combo Gangnam Style/What Does The Fox Says réveille en moi une âme de puriste chiante. Tu vois la meuf stoïque, debout sur la piste sans faire le moindre mouvement, au point où tu te demandes si elle a pris le para de trop ? Ben voilà, c’est moi.

J’ai chaud, je suffoque, l’autre moitié de ma bière se renverse grâce à un couple trop occupé. Jax Teller me manque. Le monde extérieur me semble tout à coup assez hostile. J’ai envie de figer le temps comme Piper dans Charmed pour courir jusqu’à mon lit. Le reste de ma soirée se passera au coin fumeur extérieur, où j’apprendrai à dire “santé” dans toutes les langues avec des inconnus, à qui je parlerai de la situation politico-économique de la Catalogne si elle devient indépendante. (Nan j’déconne, on a parlé des rumeurs sur Jay-Z et Beyoncé).

Si quelqu’un connaît une bonne adresse de kirs-melon à Barcelone (ou même de pintes à 3€, jsuis pas difficile), vous savez où me trouver. (S5, Episode 1)

Anna Wanda

Directrice Artistique et illustratrice
Anna est née en 1990 et se balade avec un collier où pend une patte d'alligator. Graphiste et illustratrice particulièrement douée (sans déconner), elle n'est pas franchement la personne à inviter pour une partie de Pictionnary. Toujours motivée et souriante, c'est un rayon de soleil curieux de tout et prêt à bouncer sur un bon Kanye West, tout en te parlant de bluegrass. Par contre, elle a toujours des fringues plus jolies que toi. T'as donc le droit de la détester (enfin tu peux essayer, perso j'y arrive pas). SON SITE PERSO: http://wandalovesyou.com