Les copains du label Humanist Records organisent tout le mois de juin un festival entre Lyon et Paris. Comme ils ont du goût (pas forcément pour leurs fringues, mais on n’en parlera pas maintenant), ces jeunes gens qui se bougent ont invité la Canadienne Terror Bird le 13 juin au Garage MU. On est un peu tombées amoureuses de l’univers de la chanteuse, un peu glauque/un peu dansant, qui nous a rappelé Molly Nilsson : tu sais, la partie pas éclairée du dancefloor où seuls se mouvent dans l’ombre les gens timides. Du coup, on lui a envoyé quelques questions auxquelles elle a eu la gentillesse de répondre. Tu verras, ça a l’air d’être un être humain drôlement chouette.
Comment le projet Terror Bird est-il né ?
Terror Bird est né à Montréal en 2005, en haut d’un piano électronique. Mon groupe de punk féminin, Automatic Fancy, avait splitté, et je voulais écrire mes propres chansons, ainsi qu’améliorer ma technique de jeu. Écrire mes propres chansons ne m’a pas pris longtemps, sachant que je le faisais déjà avant. Jouer mieux des instruments a été un peu plus long, mais c’était une expérience amusante…
Pourquoi ce nom ?
Ce nom est un mélange du sentiment de terreur, de la chanson Danger Bird de Neil Young, et des gigantesques oiseaux-dinosaures qui vivaient sur terre il y a des millions d’années. Je me sentais proche un peu de ces créatures, de manière ironique.
C’est ton premier projet musical ?
Quand j’étais adolescente, je jouais dans un groupe de punk, Automatic Fancy. Avec du recul, je pense qu’on sonnait comme les Stooges, mais avec une voix vraiment aigüe. J’avais 18 ans à l’époque, je n’avais pas appris à chanter normalement. J’ai aussi joué de la basse et chanté dans un groupe de post punk dark qui s’appellait Modern Creatures. Si vous êtes curieux, vous pouvez trouver les chansons ici.
Est-ce que tu travailles seule sur tes chansons ?
J’écris principalement seule mes chansons, même si certains membres du groupe ont parfois apporté leurs parties de temps en temps, surtout pour les lives, en fait.
De quel instrument joues-tu ?
Je joue principalement du synthétiseur, mais je peux aussi jouer de la basse, de la guitare et de la batterie. Mes enregistrements sont majoritairement composés de mes nappes de synthés, même si Jeremiah faisait la batterie et quelques parties de synthé sur les albums précédents.
Ton univers est assez sombre : tu étais goth plus jeune ?
Oui, j’étais du genre à m’apitoyer sur mon sort. Héhéhé. J’étais habillée toute en noir, j’avais des cheveux noirs, du rouge à lèvres noirs et j’allais à des fêtes goths quand j’étais ado, mais je pense que j’écoute plus de music goth maintenant (et de meilleur qualité). J’essaie de prendre les choses de manière plus légère, alors que tout était sérieux quand j’étais ado : je ne sais pas si j’y arrive toujours…
Quelles sont tes influences ?
J’ai souvent essayé d’imiter de nombreux artistes au fil des ans : Bowie, Kate Bush, Morrissey, Dave Gahan de Depeche Mode, Leonard Cohen, Brian Eno, Tim Buckley, et plein d’autres. Je suis aussi très influencée par le punk anglais des années 70, la musique des années 60 comme les Ronettes et Terry Jacks, le post punk, le glam rock, la synth pop genre OMD et Alphaville, le vibrato de Brian Ferry, la mélancolie d’Elliot Smith, la minimal wave, et le goth choupi genre Sisters of Mercy. Mais souvent, je tombe sur quelque chose de neuf qui m’inspire aussi du coup.
Tu dis que tes shows sont proches de Kate Bush : comment ?
Je chante de manière très aigüe, et, je dois l’admettre, je lui ai emprunté quelques pas de danse.
Quelles sont tes chansons d’elle préférées ?
J’en ai plein ! J’adore Hello Earth, Wuthering Heights, Running Up That Hill, Babooshka, Hammer Horror…
Tu as déclaré être amoureuse de David Bowie : quelle est ta période préfèrée chez le chanteur britannique ?
C’est très dur de choisir, parce que de Space Oddity à Let’s Dance (et même si j’aime beaucoup Earthling!), sa musique a été majoritairement géniale. Tu ne peux pas vraiment battre l’univers de Ziggy Stardust. Son travail entre Station to Station et Diamond Dogs est aussi fantastique.
Tu te sens proche d’artistes comme Molly Nilsson ?
Hé bien, on a chacune une petite fiole avec le sang de l’autre.
Tu joues avec un groupe de filles : pourquoi ?
C’est simple. Les femmes sont supérieures aux hommes dans tous les domaines. Mais principalement parce que c’est plus simple pour emprunter du rouge à lèvres et des tampons.
Tu viens de Vancouver : à quoi ressemble la scène musicale là-bas ?
Il y a beaucoup de groupes dark et punk très cools, beaucoup de concerts. White Lung, qui vient juste de signer sur le label Domino, vient de Vancouver, tout comme, si je me souviens bien, Grimes.
Des groupes à recommander ?
Oui ! Koban, Animal Bodies, Defektors, Mormon Crosses, et Lié. Et Koban. Koban. Koban.
Tu veux que les gens fassent quoi sur ta musique ?
Qu’ils dansent, pleurent, rient, se posent et ferment les yeux avec des bougies tout autour d’eux, qu’ils tombent amoureux, qu’ils baisent, qu’ils passent la serpillère. Je veux que la musique leur fasse ressentir de vraies émotions en relation avec leurs vies, faire des moments magiques avec de l’ordinaire, et aider les gens à utiliser leur imagination pour imaginer des choses intéressantes ou romantiques.
La chanson de Terror Bird qu’on doit écouter ?
Ma nouvelle cassette sur le label Svn Sns sera bientôt disponible, vous la trouverez sur mon Bandcamp. Je vous recommande Sliver, c’est sur les hommes bien habillés, le sexe impliquant les livres, et le moment où tu commences à ennuyer ton amant.
Ton film préféré ?
Il y a quelques nuits, j’ai regardé Santa Sangre et c’était très bien. J’ai aussi vu Baba Yaga et Nymphomaniac récemment. J’ai un ami qui a de très bons goûts cinématographiques et comme il achète et vend des films, il a la meilleure collection que je n’aie jamais vue. J’aime aussi beaucoup les films de Wes Anderson et de David Lynch. J’ai aussi regardé Velvet Goldmine et Le Labyrinthe un bon paquet de fois. Mais sincèrement, je ne regarde pas autant de films que ça parce que je culpabilise de ne pas travailler.
Ton bouquin préféré ?
Le tambour de Günter Grass et tout de Charles Bukowski.
Ta phrase préférée ?
« Plus vous m’ignorez, plus je me rapproche. » (The more you ignore me, the closer I get) C’est comme si Morrissey pouvait voir mon avenir.
Quels sont tes rêves pour Terror Bird ?
Je veux sortir quelque chose sur le label 4AD, tourner au Mexique, en Amérique de Sud et en Australie, écrire des chansons pour d’autres artistes, écrire de la musique pour les films, faire un second album avec Night School avec du violoncelle, du violon et du piano. Je veux des danseurs, des costumes avec des sequins et les cheveux dans le vent. Je veux des fans qui soient à la fois des professeurs à l’université et des mannequins hommes. Je rêve gros, comme tu peux le voir.