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vendredi, 05 septembre 2014

Route 14

Par
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JEUDI, performance pluviométrique, bienvenue à gadouland

Moment de grâce…

En Bretagne, il ne pleut que sur les cons mais comme on est toujours le con d’un autre, il finit bien par pleuvoir sur tout le monde. Après avoir été épargnée l’année dernière, cette édition 2014 commence fraîchement sous une bonne grosse rinçade, histoire de détremper durablement le site, de baptiser les bottes aigles fraichement acquises, de tester l’étanchéité à toute épreuve de nos cirés de marins d’eau douce. Et surtout de mettre à l’épreuve notre motivation à attaquer 3 jours les pieds dans la boue. Mais en tant que bons vieux vétérans de la route, suréquipés et plein d’entrain, nous prenons le fort. Même pas peur, d’abord.

Mimi cracra, l’eau elle aime ça (oui bon c’est rigolo 5 minutes)

La pauvre Angel Olsen ouvre le festival sûrement un peu seule pendant que nous tous faisions la queue pour choper nos bracelets-sésame. La logistique anti-dégâts des eaux se met en marche sur le site, les camions citernes aspirent les flaques géantes tandis que les tracteurs locaux étalent les ballots de paille, ambiance week-end gadoue à la ferme. La soirée commence d’ailleurs mollo-molle-eau, les groupes de début de soirée peinent à nous convaincre (War on Drugs Real Estate).

Même Kurt Vile a du mal à nous réchauffer, malgré quelques belles ballades indie-folk pas vilaines mais un peu mou duc’ quand même, il va en falloir plus pour nous faire remuer la boue qui nous colle aux basques.

Il faut attendre Thee Oh Sees pour enfin apprécier du rock qui tâche et commencer à sautiller dans les flaques. Un garage-punk aux accents pop ponctués du « whou » typique du génial leader John Dwyer.

Cependant, 40 minutes, c’est un peu court, messieurs. Pas d’excuse technique qui tienne, on reste un peu sur notre fin (anticipée).

Et quand il pète… (heuu, désolée)

Ratés les The Fat White boy Family slim is fucking in heaven, l’accès à la 2e scène est encore bien laborieux cette année, on préfère attendre sagement notre chouchou Caribou.

Et là, on n’est pas déçus : notre geek électro préféré nous offre un set surprenant, déroutant pour certains, mais qui allie la précision scientifique des beats à l’émotion feutrée des nappes de claviers. C’est tendre, doux, exaltant.

Une subtile montée en puissance jusqu’aux incontournables tubes Odessa, Sun ou encore le tout frais Can’t do Without You qui a su mettre tout le monde d’accord. Nous non plus on ne peut rien sans toi, cher Dan. Et on attend ton album « Our Live » avec une impatience pleine d’amour.

VENDREDI, Portishouille

C’est LA soirée revival « vieux routards », entre Slowdive reformé après près de 20 ans que beaucoup attendaient apparemment (moi, pas vraiment) et Portishead (of course) : tête d’affiche rêvée qui remplit facilement le fort à ras bord.

Un set quasi parfait pour fêter les 20 ans de l’album Dummy, aucune surprise sur l’interprétation des morceaux mais on s’en fout, on vibre avec nostalgie sur les tubes intemporels de notre adolescence tourmentée. Beth Gibbons est comme toujours habitée et envoutante, voûtée sur son micro, toute en retenue et en puissance à la fois.

Kiff unanime intergénérationnel.

De port en port, et de pire en pire…

Pas le temps de se remettre de nos émotions qu’on enchaine directement avec l’énergie hardcore de Metz. Les transitions improbables, c’est aussi le fort de Saint Père.

LA PUISSANCE DANS TA FACE avec enfin un volume convenable (c’est à dire juste trop fort comme il faut) ça réveille d’un coup, on pense à Fugazi, à Shellac, nos corps convulsent frénétiquement, ça pogotte gentiment, comme si on était entre vieux copains ET ÇA FAIT GRAVE DU BIEN.

Après s’être défoulé avec les canadiens (même pas lorrains), et alors qu’on dansouille sur les Djs set en attendant la suite des festivités, une CHENILLE GÉANTE s’improvise sur un irrésistible zouk « Les Joyeux Saboteurs » de Maître Gazonga (à ajouter impérativement aux playlists de vos futures fêtes). Plutôt qu’une méga queue-leu-leu, ce sont plutôt des multitudes de petites chenilles qui se croisent et pullulent sur le site, on est contents comme des grands enfants un peu débiles. (3000 participants selon Ouest-France, 8 000 selon nous). Encore un moment débilo-magique de la route du rock comme on les aime.

Maître Gazonga - Les Jaloux Saboteurs

Par contre, là où on s’amuse moins, c’est à essayer de comprendre l’univers de Liars. Totale non-adéquation à un univers foutraque à l’image du couvre-chef du chanteur, un bonnet péruvien à frange difforme voire informe. Nan mais c’est vrai quoi, être indéfinissable c’est bien, indiscernable un peu moins. Lapin compris, tant pis. Au suivant !

Rien de tel qu’un bon petit dancefloor electro pour terminer la nuit en beauté avec Moderat. Prestation cool quoiqu’un peu cold, à moins que ce ne soit déjà l’appel de la couette pour nos petits corps fatigués… On a encore une journée de guerriers demain, toujours penser à économiser ses ressources vitales pour tenir sur la longueur, conseil d’une vieille routarde bien rodée.

SAMEDI, le marathon final

Enfin pour cette dernière après-midi, quelques rayons de soleil inondent la plage malouine pour accompagner les nantais de Pégase, dont la pop légère colle parfaitement à l’ambiance playa, comme le sable à nos serviettes. De quoi se poser un peu avant de courir pour ne pas rater les petits américains au perfect name : Perfect Pussy[1] et sa chanteuse charismatique Meredith Graves dont on devine plus qu’on entend la voix derrière les guitares et claviers saturés à l’extrême. Impressionnante d’énergie, elle gigote, se tord, expectore, accouche presque douloureusement d’un chant possédé que l’on sent sincère et vrai. Elle ne retient rien et nous montre tout, même sa culotte sous une robe moulante marinière de circonstance. Soit 30 minutes d’une intensité brute, pas beaucoup plus que leur concentré d’album. Toujours plus vite, plus fort, plus haut et surtout super classe. Bravo, les p’tits chats.

Slam coloré, Meredith déchaînée

Après ce petit coup de fouet, c’est au tour de ce petit branleur de Mac deMarco de faire une entrée sympa cool relax Max, genre je viens de me lever à 19h, salut les copains : t-shirt Simpsons difforme, casquette Viceroy crado, look de red neck pas méchant. Marco fait son show et a le mérite de bien nous faire marrer : reprise improbable de Coldplay faussement bourré, il chantonne la clope au bec ou tente un slam un peu foireux. Bref, rien de révolutionnaire mais on apprécie l’ambiance apéro discudance sur quelques chouettes chansons indie-funky-folk du bouseux aux dents de la chance. Mention spéciale à une scénographie au top avec deux montgolfières surgies de nulle part qui apparaissent de façon magique dans le ciel du fort à la fin du concert : on fait coucou comme des nigauds, c’est con mais c’est beau.

Coucou copain ballon !

On enchaîne dans la coolitude avec Baxter Dury, le vieux beau de service à l’élégance dandiesque. Le si british gentleman nous a fait hocher de la tête sur une pop efficace faite de petites ballades fraiches et entêtantes. Les nouvelles chansons de son nouvel album « It’s a Pleasure » sont un peu moins convaincantes que les précédents tubes (Isabel ou Claire). Mais on se laisse volontiers porter par la decontractitude poppy bisounours. Et quitte à attendre nos copains de Cheveu, autant faire un tour visiter les Temples et leur gentil rock ethno psyché. On se demande s’ils vont survivre à la mode actuelle psychédélique ou si il ne restera que des vestiges (des Temples). Deux options, soit on se laisse embarquer dans ce road trip 70’s oriental aromatisé au LSD dilué, soit on reste comme un rond de flan breton devant un groupe qu’on oubliera assez vite (à mon humble avis). L’avenir nous le dira.

Parce que nous tout ce qu’on veut c’est retrouver le gros Cheveu sur la soupe actuelle, des vrais barrés comme on n’en fait pas assez. Une boîte à rythme qui tabasse sa mère, des grosses nappes de basses, des bons riffs efficaces sur lesquels se pose la voix caverneuse et légèrement inquiétante du freaky Etienne. On a beau les avoir déjà vu 12 fois à Paris on se demande pourquoi ils n’ont jamais été programmé avant à St Malo. Désormais, chers programmateurs, on les veut chaque année, que ce soit dit.

Cheveu ? Au poil !

A partir de là, ça sent la fin de festival, on est aussi vidé que notre 27ème pinte. On laisse donc le dancefloor final aux plus vaillants soldats que nous, et c’est fourbus mais contents que nous rejoignons nos pénates, pour décrotter nos souliers et reprendre nos petites vies, le cœur un peu serré mais la tête pleine de souvenirs. Prêts à reprendre la route l’année prochaine pour une 25ème édition sûrement encore pleine de surprises. Et d’ici là, on garde le cap, et les bottes.

[1] Interview de la chanteuse Meredith Graves et du clavier Shaun Sutkus par votre dévouée à retrouver très bientôt sur votre site préféré

Elise

Elise a 31 ans et un petit bonnet Saint James qu'elle aime beaucoup mais qu'elle a perdu. Elise, ça fait presque un an qu'on la connait, elle a rejoint notre groupe, Mercredi Equitation, pour remplacer Elsa à la batterie. On a constaté depuis que c'était une fille super, qui en plus de savoir traiter nos papiers administratifs, de nous supporter quotidiennement et de bourriner sévère à la batterie, avait une culture musicale de malade. Tu vas la revoir souvent ici, en tout cas on espère.

Roca Balboa

Bricole Gueurle officielle de la Team Retard
Roca Balboa est née en 1990 et aimerait bien réadopter des rats. Amie d'Anna, la première fois qu'on l'a rencontrée on a vu un petit chaton tout mignon. Puis, en mangeant un kebab sur un banc, on a constaté la bouche pleine d'une viande qu'on connaissait pas qu'elle avait la gouaille la plus hardcore qu'on connaisse. Et un putain de talent pour le dessin. SON SITE PERSO : http://rocabalboa.com/