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jeudi, 02 mai 2013

SENTAI, PREMIÈRE PARTIE

Par
illustration

Vincent, c’est quoi les Sentai ?

J’ai pas de bouteille de lait, donc je peux pas vraiment t’expliquer, mais je vais essayer quand même.

Les Super Sentai ont été inventé en 1975 par Ishinomori Shôtarô, le deuxième dieu du manga au Japon. Si tout le monde connaît à peu près Tezuka Osamu en France, il n’en est pas de même pour Ishinomori. Il a pourtant tout autant contribué que Tezuka a la création des canons de la bande dessinée japonaise, en publiant le manga de Kamen Rider, l’autre série Tokusatsu brièvement présentée ci-dessus, mais aussi Cyborg 009, Kikaider. Tout ce pan de la culture nippone est parfois occulté à l’étranger alors qu’il est profondément implanté dans l’esprit japonais. Bref, même si on se la pète en disant qu’on aime bien « les romans graphiques de Taniguchi » (ta gueule), c’est grâce à des mecs comme Ishinomori que ces derniers existent. Beaucoup de mangakas en parlent comme source d’inspiration (surtout pour la force de ses traits).

En 1975 , Ishinomori s’associe avec les studios de la Toei pour créer Goranger. Cette série marquera le début du genre, et introduira le premier code du Sentai : 5 héros en couleur, qui se battent contre une organisation maléfique, ou extraterrestre.

Himitsu Sentai Goranger opening

RETARD → Magazine - Himitsu Sentai Goranger opening

Dans ses premières années le Sentai connaîtra quelques évolutions, à mesure que la technique évolue, mais aussi pour des raisons d’audimats et de prises de risques scénaristiques.

Le premier gros changement intervient en 1979, avec Battle Fever J. Les studios de comics Marvel étaient impliqués dans ce projet, la série devant être une adaptation japonaise de Captain America et de ses Avengers. L’équipe est formée de personnes venant de plusieurs pays (Japon, France, Kenya, URSS, Etats-Unis). Marvel avait déjà été associé à la Toei l’année précédente pour la série japonaise Spiderman, qui se transformait grâce à un bracelet et pilotait un robot géant transformable…tout cela dans le but purement commercial de vendre des goodies et des jouets aux gamins. Cette idée de robot géant avait tellement de potentiels (traduire ¥¥) pour les lignes de jouets de super héros qu’elle a été retranscrite dans Battle Fever J (bien que le Robot n’y soit pas transformable).

Japanese Spiderman Opening

RETARD → Magazine - Japanese Spiderman Opening

Le deuxième changement réside dans l’introduction du robot transformable des Denjiman l’année suivante (le pluriel n’existe pas en Sentai, donc pas Denjimen).

Vient ensuite Sun Vulcan, en 1981, composé de seulement trois héros. Cette nouveauté fera jurisprudence : un Sentai n’a plus à être composé de 5 héros. 3 est tout autant possible. De plus elle introduit les robots formés de plusieurs parties assemblées : ces derniers existaient dans les dessins animés depuis longtemps, mais impossible à retranscrire sur caméra pour des moyens techniques. Les scènes de transformation desdits robots sont à vrai dire très respectées au Japon, car elles sont le résultat d’une méticulosité assez importante. Les pubs pour les jouets qui utilisaient un procédé proche de celui utilisé dans la série avaient de la gueule :

Bandai Taiyou Sentai Sun Vulcan Robo Toy Commercial

RETARD → Magazine - Bandai Taiyou Sentai Sun Vulcan Robo Toy Commercial

Perso, je vois ça à la télé à 6 ans, je veux DIRECT.

Le quatrième changement, c’est l’introduction en 1987 du robot en 5 parties de Maskman, ou plutôt l’idée du robot formé d’autant de parties que de héros. L’année suivante avec Liveman, encore un gros changement avec l’arrivée de deux robots formés de plusieurs parties, qui peuvent eux-mêmes s’assembler. (vous suivez ? Relisez les phrases lentement, je vous promets que ça peut se comprendre, surtout si vous avez eu des Legos)

Pourquoi prendre autant de temps à vous parler de ces changements concernant les robots ? Très simple. Ces séries sont produites à plus de 50% par la marque de jouets Bandai. Elles sont de véritables vitrines pour le fabricant, qui travaille de concert avec les studios pour les designs de la série et des « mecha » (lire méca, le terme qui englobe toute la mécanique dans une série. Les robots, les motos, les voitures, etc.). Pour faire simple, plus les jouets se vendent, et plus Bandai pariera sur l’année suivante avec un budget en conséquence. Gardez ça dans un coin de la tête ça sera assez important par la suite.

Le dernier gros changement, c’est l’arrivée du 6ème ranger en 1992 dans Zyûranger. En effet, même si Sun Vulcan avait introduit l’idée d’un nombre différent de 5, c’est la première fois que celui-ci est dépassé. Ce personnage, souvent un outsider à l’équipe, permettra des merveilles dans la narration de ces séries. On peut y voir en fait l’avènement d’un esprit d’aventure dans l’écriture des scénarios. Cela a été rendu possible grâce à la série Jetman en 1991, qui avait déjà rompu le genre narratif du genre sous plusieurs aspects. Mais je reviens là-dessus après, c’est lié au sponsoring de Bandai.

DIGRESSION AMERICAINE:

Zyûranger :

Kyoryu Sentai Zyuranger Opening 1

RETARD → Magazine - Kyoryu Sentai Zyuranger Opening 1

Mais…mais, putain, ça ressemble vachement à Power Rangers, le truc que je regardais petit. Pour les plus jeunes qui n’ont sans doute jamais eu la chance de pouvoir regarder les Sentai diffusés en France, car oui on en a eu (Bioman, Liveman, etc. C’est de là que vient le sketch des Z’Inconnus), donc pour les plus jeunes, sachez que les 5 lycéens américains 90s , constituaient un remake d’une série japonaise où les héros étaient des descendants de dinosaures, les Zyuranger. Oui, vous lisez bien. Je ne veux pas savoir à quelle moment ou comment un Trex s’est fait enfilé par un gorille, ni même comment cela a été possible d’un point de vue historique, mais c’est bien les prémices de la série. Le remake américain en fait utilisait les montages japonais lors des scènes de combat, maisnous permettait de connaître la vie de 5 lycéens qui devaient combattre le mal. Franchement, si vous aviez été adolescent dans les 90s aux Etats-Unis, vous préfèreriez quoi : être un super héros qui conduit UN ROBOT TREX, ou avoir des histoires d’amour impossible à comprendre au lycée (coucou Beverly Hills) ? Sans problème, le premier choix pour moi. En plus j’aurai eu un pote noir, et une pote asiatique, contrairement à Beverly Hill qui s’en sort pas trop mal niveau white supremacist.

Rions un peu et obervons : le Power Ranger noir était noir, et la Power Ranger jaune était jau…asiatique. Bref, la licence Power Rangers existe toujours en 2013 et continue à avoir du succès en occident. Il y a même eu deux bonnes séries dans le lot, qui sont tout à fait au niveau des Sentai à mon goût.

FIN DE LA DIGRESSION.

Pour continuer parlons des épisodes des Sentai. Ceux-ci sont toujours structurés ainsi, bien que certains scénaristes prennent des libertés. Ne pas oublier que la cible principale, ce sont des enfants de 3 à 10 ans et non pas un mec de 26 ans. Donc plus c’est simple, plus ça suit des schémas, moins Maman a à expliquer ce qui se passe à l’écran, mieux c’est.

Décrivons cette forme narrative : Une introduction. J’en vois trois types :

  • Introduction par tierce personne :la première scène n’introduit ni les héros, ni les méchants. Des gens communs, comme vous et moi, mais surtout comme despetits garçons trop gros avec des shorts beaucoup trop courts (THE OUTFIT du gamin jusqu’en 1995 si je me fie au Sentai), font leur vie, et se font attaqué par des méchants. Les gentils ne tardent jamais à arriver.
  • Introduction par les gentils : les gentils se promènent, font leur vie et tombent par hasard sur les méchants qui préparent un mauvais coup. Pas obligatoirement ensemble, les gentils peuvent surprendre les méchants seuls, à plusieurs, ou tous ensemble. Une introduction par les gentils sous-entendant une introduction par tierce personne non montrée à l’écran existe aussi. En gros les héros se ramènent dans un endroit ou apparemment des trucs louches se passent (on sait pas comment ils savent, mais c’est pas l’important. Tarô, du haut de ses 4 ans il fait pas attention à ça).
  • Introduction par les méchants : on voit ce que trament les méchants avant toute chose. C’est une introduction que j’aime bien car elle promet souvent des épisodesplus punchy, surtout niveau action.

Le premier combat : Celui-ci se passe directement après l’introduction. Les héros se transforment, ou pas. Souvent c’est le cas, mais la chance de se transformer est inversement proportionnelle au nombre de héros présents sauf si le héros est seul. Bref, à 4 moins de chance de se transformer qu’à 2, mais seul, ça n’arrive presque jamais. Le combat ne dure jamais : soit les héros se font laminer la gueule, soit les méchants se cassent car leur but c’est pas de se battre. Ils ont fini les préparations de leur plan et veulent le mettre en action, donc « cassos les mecs, y’a les YMCA en spandex qui se la raboulent »

L’histoire : Là, on raconte de l’histoire. Ce que font les méchants ; pourquoi Yûji, 8 ans, il s’est fait attaquer par des méchants ; comment battre ce méchant qui a un pouvoir super spécial.

Le deuxième combat : C’est la vraie bastogne ici. Les gentils arrivent, presque sûrs de gagner, se transforment et vas- y que je te sors mon arme, que tu te prends des poings dans la gueule, qu’on fait des poses trop classes, etc. Cela se finit souvent par l’attaque finale, qui tue le méchant.

La scène de combat géant avec le robot : Pas tout à fait mort en fait le méchant. Car celui-ci grandit, mais heureusement, nos hérossont parés au truc. BAM, on appelle nos véhicules, ils s’assemblent, on te fout un coup d’épée de la mort, et tu exploses (les méchants ne peuvent mourir qu’en explosant dans les Sentai, sinon on anthropomorphise, et ça choque les enfants. Donc même un méchant en apparence humain mourra en explosant, ce qui avouons traduit une certaine classe. Imaginez votre enterrement, votre femme/mari pleure, vos enfants se demandent ce qu’ils vont faire et EXPLOSION )

La conclusion. Contrairement à ce que disent Les Z’Inconnus dans leur sketch pas très drôle avec le recul, il n’y pas toujours de morale à la con à la fin. Ou du moins pas aussi évidente, en tout cas, moins depuis les 90s. Tout va bien, tout est rentré dans l’ordre jusqu’à ce que les méchants décident à nouveau d’attaquer (toujours et seulement Tokyo, avec un seul monstre. Ce qui est très drôle surtout quand le background des méchants est celui d’un empire intergalactique qui a déjà conquiert 50000 planètes. Tu te demandes vraiment quel genre d’idiots pouvait vivre sur ces astres pour se faire avoir par cette bande de nazes)

La structure de la série aussi est toujours à peu près similaire. Les séries comprennent environ 50 épisodes de 20 minutes qui s’enchaînent dans l’ordre suivant :

Episodes 1~15.

Là seront présentés les personnages. Les épisodes se focalisent sur l’histoire de ces jeunes gens, leurs passés, leurs caractères, leurs aspirations dans la vie. A travers ces épisodes, l’équipe apprend à coexister. Ces épisodes sont assez instructifs, en expliquant aux enfants qu’ils faut coopérer dans la vie, qu’agir seul, c’est bien, mais c’est mieux en équipe. OU COMMENT ON CONDITIONNE LES ENFANTS JAPONAIS A NE PAS DEVENIR LE PIQUET QUI DEPASSE.

Dans cette logique, les équipes formées par des personnages qui ont déjà un passif commun sont très difficiles à gérer scénaristiquement parlant. Vu que les personnages se connaissent déjà, l’ennui s’installe très vite, et les scénaristes doivent compenser en se concentrant sur les méchants, ce qui est plutôt le propre des…

Episodes 15~30.

On se concentre plus sur les méchants. Ils sont souvent formés d’un chef et de plusieurs généraux. Le 6ème ranger arrive souvent dans ces eaux-là, et aide souvent à triompher face au premier général. Un autre général, plus puissant prend le devant de la scène, et aura souvent un plan de taille importante. Le plan réussit souvent, laissant croire à une victoire du mal sur le bien, mais les héros se remettent sur leurs pieds grâce à un nouveau pouvoir. L’équipe est alors complètement soudée et peut maintenant faire face pleinement à ses adversaires.

Episodes 30~42.

Après le climax de la seconde partie, on a droit à des méchants qui ne savent plus trop quoi faire. Les héros sont à nouveau développés à travers des épisodes se focalisant tour à tour sur l’un deux, sur des duos qui marchent bien, etc. Cependant, en arrière-plan, le chef des méchants prépare son plan final, qui est mis à exécution dans les…

Episodes 42~50.

La fin de la série. Ca pète dans tous les sens, y’a des personnages qui meurent, qui reviennent, c’est l’apocalypse. Les méchants sont dix fois plus forts, les héros se retrouvent souvent vaincus. Beaucoup des séries que je n’aime pas vraiment sont sauvées grâce à ce segment, car cela promet toujours beaucoup d’actions. Au moins on a ça. La fin. Les gentils gagnent. Et tout va pour le mieux. On pleure, on est dégoûté de voir la fin, mais c’est pas grave, la semaine prochaine, la nouvelle série commence !

Voilà, c’était très schématique, peut-être très chiant à lire, mais je vous ai fait un point clair je pense sur ce qu’était le Sentai dans son concept. Je peux donc aborder son essence, et vous expliquer ce que je trouve de génial dans ces séries. Ces petites choses qui font que je les regarde toujours à 26 ans. Je vais essayer d’être objectif (oui, c’est antinomique, mais le but est d’amener des gens à les regarder, au spectre de ce que je vais dire. C’est plein de spoilers par contre, mais je suis obligé de le faire pour que vous compreniez).

Vincent

Vincent est née en 1986 et gère un budget vêtement considérable. Marine l'a rencontré sur les bancs de son lycée niçois, où ils apprenaient le japonais. Il a bien voulu lui parler parce qu'elle avait un t-shirt Sailor Moon. Elle a bien voulu lui répondre parce qu'il avait rigolé à une blague à chier. Aujourd'hui il reprend des études de traduction, poste trop de photos de bouffe sur son Facebook, mais on l'aimera toute la vie.

Anna Wanda

Directrice Artistique et illustratrice
Anna est née en 1990 et se balade avec un collier où pend une patte d'alligator. Graphiste et illustratrice particulièrement douée (sans déconner), elle n'est pas franchement la personne à inviter pour une partie de Pictionnary. Toujours motivée et souriante, c'est un rayon de soleil curieux de tout et prêt à bouncer sur un bon Kanye West, tout en te parlant de bluegrass. Par contre, elle a toujours des fringues plus jolies que toi. T'as donc le droit de la détester (enfin tu peux essayer, perso j'y arrive pas). SON SITE PERSO: http://wandalovesyou.com