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Pour reprendre Treize du début c’est par là
Je descends dans la cour la peur au ventre, suivie d’un peu loin par V. et ses deux cerbères prépubères. On dirait que je suis le personnage d’un mauvais western, ceux que j’ai le droit de regarder le dimanche soir sur TF1. Comme un hors la loi débarquant dans le bled du héros, j’ai l’impression que tous les regards sont tournés vers moi alors qu’il n’en est rien. Mon pouls bat à vive allure, et je me demande si j’arriverai, cette journée à peine entamée, à terminer la tête haute.
J’ai tellement chaud.
J’aurais du mettre plus de déodorant.
Sandra est déjà en train de se fritter dans un coin avec le crétin qui lui sert de copain passé 18 heures. J’essayerais de mettre un peu de casser son radar à connards plus tard, un peu de bon sens dans sa tête cet après-midi (nous n’avons cours que le matin la première journée), je n’ai pas le temps ni l’envie de m’y atteler actuellement.
Dans la cour, le changement c’est maintenant. Beaucoup de personnes se sont épanouies comme des fleurs en l’espace de trois mois. Certains ont pris de l’assurance, d’autres du poids, quelques uns une dizaine de centimètres. Chaque vacances semble promettre à chacun d’entre eux une nouvelle transformation/évolution, un peu comme si nous étions tous des pokémons avec de gros soucis hormonaux.
J’essaie de me redresser pour prouver ma nouvelle confiance d’adolescente qui gère mais avec toutes les merdes de cette matinée j’ai déjà oublié, j’ai envie de me faufiler dans la masse et de devenir un collégien invisible. Je fais déjà deux têtes de plus que tout le monde et je parle très fort, du coup pour la discrétion on repassera.
Perdue dans mes pensées, le regard dans le vide, je constate au bout de cinq bonnes minutes que je suis seule au milieu de la cour, comme une débile. J’essaie de sonder toute la foule, essayant de tomber un visage amical, de me tenir loin de mes ennemies et de ceux qui sentent le renfermé (désolée Sylvie, mais il faudrait vraiment que tu le laves, ton pull. Genre ça fait bien deux ans maintenant qu’il pue la laine mouillée et rance, on choisit pas ses parents hippies mais quand même)
Si certains de mes compatriotes vieillissent bien, la moustache de Gaelle continue comme chaque journée de l’année dernière à luire au soleil, dans le coin des cools à l’autre bout de la cour. Elle est entourée de sa cour, et rigole surement des prochaines personnes dont elle va pourrir la vie.
Je constate subitement que je ferais un très mauvais policier, alors que je suis abonnée à Mickey Parade Detective et que je résous toutes les enquêtes. Alors que je pensais mater discrètement de loin cette grosse morue, nos regards finissent par se croiser.
Merde putain ON ARRETE DE FIXER LES GENS MARINE ON AVAIT DIT
« Si on te frappe la joue, tend l’autre » avait dit Jésus, ou la vieille dame au cathé qui nous hurle constamment dessus. Je me décide à lui sourire, comme si j’avais oublié que c’était une immonde connasse, comme si j’avais oublié toutes les pages de mon journal intime collées à cause de mes larmes, comme si je pouvais être au dessus de tout ça alors que j’ai mis tout l’été à essayer de me dire que je n’étais pas une sombre merde
ALORS QUE C’EST ELLE LA SOMBRE MERDE
BORDEL POUR QUI ELLE SE PREND
Elle semble choquée par ma réaction. Elle se cabre à l’autre bout de la cour, tandis que les dindes qui l’entourent continuent à glousser. D’un coup, lancée comme un robot remonté à triple tour, elle se met en marche et tel Moise fendant les eaux (putain d’éducation chrétienne, j’en peux plus de mes métaphores de la bible), elle finit par me faire face.
Le poil hérissé, le grognement au bout des lèvres je ressemble à Moka, mon yorkshire, quand il sait qu’on va mettre en marche les essuie glaces. Je m’apprête à tout venant de sa part, une remarque sur mon t-shirt, le gel de mes cheveux, le fait que j’ai mal mis mon fard à paupières ou que je n’ai pas perdu la bouée qui me sert de tour de taille.
Elle sourit
-« Marine ! ça me fait TROP. PLAISIR. de te voir«
PUTAIN LA CONNASSE
-« T’es dans quelle classe ? T’es avec Sandra ? Han trop de la chance. Je suis avec les filles et Madame Michot c’est notre prof principal, l’année va être super chiante.«
MAIS ON N’EST PAS COPINES A QUOI TU JOUES
-« Il est trop chouette ton pantalon tu l’as acheté où ?T’es pas trop serrée dedans ?«
J’essaie de répondre un truc mais rien ne sort de ma bouche glossée. Je suis sous le choc de son venin verbal. Je me mets à bégayer comme une bouffonne.
-« Hé ben heu tu vois heu bah la bout le magasin«
Elle commence à sourire de toutes ces dents baguées. Elle a le pouvoir, elle le sait. Si seulement pouvaient débarquer Xéna et Gabrielle pour lui tatanner la gueule à coups de batons… Personne ne vient. J’essaie de respirer mais j’y arrive pas, j’essaie de parler mais j’y arrive pas, putain mais j’avais pas répété la scène dans ma douche ou quoi ? TOUJOURS MARQUER QUELQUE PART MES RÉPARTIES PUTAIN. Je m’apprête à prétexter un tour aux toilettes (bravo trop classe, c’est vraiment une bonne idée les WC) quand tout d’un coup, une présence au parfum de Scorpio se dresse à ma droite. C’est la même qui m’a coincé quelques minutes plus tard dans le couloir, cette fois-ci venu en solitaire.
-« Hé Gaëlle, il y a le conseiller d’éducation qui te cherche, t’as eu un appel«
-« Ah oui ? De qui ?«
-« Lou Bega. Il voudrait récupérer sa moustache«
Et la cloche sonne la fin de la récré.