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jeudi, 22 mai 2014

Comment faire chier l’économie mondiale avec nos techniques de babos ?

Par
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Marre d’enrichir ce bâtard d’Edouard Leclerc et ce ‘foiré de Martin Bouygues ?
Fatigué d’engrosser des industriels qui te vendent de la merde, te rendent malade, niquent la jolie nature et sont pas gentils avec les animaux ?
Ras le bol de payer des services trois fois plus chers que ce qu’ils ne valent vraiment ?

Marre de péter tout seul dans ton coin ?

En attendant le grand soir où armés de nos couteaux de cuisine Ikea on ira planter la tête des vilains capitalistes au bout de nos baïonnettes, il est grand temps de réfléchir à notre implication dans cette consommation de maboule, vous ne croyez pas ?

Sans pour autant s’enterrer en Ardèche pour élever des biquettes, construire des cuiseurs solaires avec des vieilles paraboles et créer son bio-gaz à partir des pets de moutons, voici un petit guide de résistance pacifique à usage de citoyens urbains et pressés que nous sommes (presque) tous. En avant la décroissance !

MIEUX DÉPENSER DANS LE MIEUX MANGER

Mieux manger tant en arrêtant d’enrichir les méchants industriels qui nous rendent malade et favoriser les petits paysans locaux, on est d’accord. Mais comment on fait quand on habite en ville et qu’on a pas un salaire de cadre pour remplir chaque semaine son caddy à la biocoop du coin ?

À la base d’une AMAP (Association pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne), il y a un groupe de consommateurs et d’un producteur local et bio. Les deux parties se mettent d’accord sur une fréquence, les prix et les quantités de produits à distribuer (paniers fruits, des légumes, des oeufs, du fromage, de la viande…). Et comme la vente se fait en direct sans tous les intermédiaires capitalistes et inutiles, l’agriculteur est mieux rémunéré, le consommateur paye moins chers des produits de meilleure qualité, qui en plus n’ont pas fait beaucoup de route pour venir à toi. Et tout le monde est content ! Prévoir d’aller donner un petit coup de main de temps en temps dans les champs du maraîcher, ça fait souvent partie du deal.

Même principe pour « La ruche qui dit oui » qui se développe à fond en ce moment. L’idée, les consommateurs commandent en groupe (« en ruche »), et hop tu vas chercher ton panier à la ruche de ton quartier (souvent sans engagement de durée contrairement à certaines AMAP).

Et si tu as la main verte et envie de déguster fièrement la récolte de tomates que tu as amoureusement plantées et entretenues, les potagers collectifs et jardins partagés sont faits pour toi. Les terrains manquant malheureusement dans les grandes villes, donc plus de demandes que d’offres…

Autre initiative écolo-socialo-communiste à souligner, Les Incroyables Comestibles (Incredible Edible in english) sont nés à Todmorden, ville du nord de l’Angleterre qui a bien morflé avec la crise.

En gros, l’idée est de mettre en place des potagers collectifs dans les lieux publics sur le principe de libre cueillette. Un bac de fraises devant la poste, des plantes aromatiques sur la place de la mairie et hop, servez-vous ! C’est généreux, ça réapprend à manger local, sans compter le côté pédagogique et citoyen. Bah oui, les légumes à la base, c’est gratuit et ça ne pousse pas dans les rayons de supermarchés, c’est toujours bon de le rappeler.

SE TÉLÉPORTER À MOINDRE FRAIS

C’est un fait, week-end improvisé = raquer. 150 euros A/R le TGV pour Marseille au dernier moment et v’lan dans les dents.

Bref, à part les preum’s 3 mois avant quand on est organisé, la SNCF a lancé récemment les OUI GO pour Montpellier, Marseille, Nîmes…) censés être super économiques. Censés, parce que pas toujours si intéressant que ça, sachant en plus qu’il faut prévoir de se taper le RER A jusqu’à Marne-la-Vallée (environ 15 euros A/R en plus). Ça rappelle les plans Ryanair à Beauvais, galère d’un jour, galère toujours.

Solution ferroviaire alternative : le site Troc des Trains permet la revente de billets d’occaz’ entre particuliers. Simple et efficace pour déposer ou rechercher des billets avec un système d’alerte pour être le preum’s à se positionner sur le billet de tes rêves. Testé et approuvé !

Sur le même principe, le site Kel Billet synthétise des offres de billets de train d’occasion (mais beaucoup moins d’offres que sur Troc des trains) et fait aussi office de moteur de recherche pour regrouper les offres ID BUS (voir plus bas), trains classiques et quelques sites de covoiturage sur le trajet recherché.

Vu que la SNCF est chère et qu’elle le sait, elle se concurrence elle-même et propose des solutions de galériens pour les pauvres, c’est-à-dire des cars : ID BUS. (compter entre 19 et 29 euros pour un Paris-Bruxelles, soit le même prix qu’un covoiturage). Aussi inconfortables que ces bons vieux Eurolines que t’as pris Porte de Bagnolet quand t’avais pas un rond pour aller à Londres ou Berlin.

Pour peu que la convivialité et l’échange avec ton prochain (chauffeur) soient dans tes valeurs judéo-chrétiennes, le covoiturage est la solution économique pour toi.

Devenu grave tendance ces dernières années, le covoiturage est aujourd’hui un marché à part entière. La solidarité, ça peut rapporter gros et ça, le p’tit malin qui a monté Bla Bla Car (ex covoiturage.fr) l’a bien compris. Le site est devenu incontournable et a désormais le quasi monopole du covoiturage en France et bientôt en Europe. Faut dire que c’est bien foutu : système de profil conducteur et passager, avec notes et commentaires entre utilisateurs, histoire d’être rassuré sur les gens avec qui tu voyages. Gros business vu qu’ils récoltent quasi 4 euros de commission par passager (les ‘foirés).

Éthiquement, il faudrait bien sûr préférer le site covoiturage libre et gratuit dont le principe associatif est bien chouette. Seul problème, c’est qu’il y a presque 10 fois moins d’offres sur les mêmes trajets.

Pour ce qui est des autres sites de covoit’, carpooling et 123envoiture (lancé par la SNCF, tiens, tiens, sur tous les coups ceux-là) sont clairement à la ramasse.

Sinon, y’a toujours le bon vieux stop : pas besoin de connexion Internet, tout est dans le pouce. Pour peu qu’on l’ait proéminent comme Sissy Hankshaw dans Even Cowgirls Get the Blues (à lire absolument), fastoche. Certes, très économique mais pas de fiche profil : tu ne maîtrises ni le casting du chauffeur, ni ton heure d’arrivée !

UN TOIT À TOI

Amis parisiens dont la moitié voire les 2/3 du salaire partent à votre proprio, j’ai le grand honneur de vous annoncer que je n’ai pas de solution miracle pour vous.

Bah non, Christiane, les loyers sont chers et le resteront. À part les plans colocation dont le casting relève parfois de l’entretien d’embauche (Plan Coloc à Paris ou site A partager.com pour les plus fréquentés), il reste toujours la retouche de bulletin de salaire sur photoshop pour pouvoir pécho l’appart de ses rêves (très drôle article de Bilboquet à ce sujet). Changer ton salaire sur un bout de papier ne fera pas baisser le loyer non plus !

Pour économiser sur cette ligne budgétaire non négligeable, Air BB offre une interface bien pratique pour sous-louer son appart. Pour peu que tu habites près du Sacré Cœur et du Quartier Latin, c’est assez facile de se faire 80 euros la nuit, ce qui rentabilise largement le coup d’aspi et la machine de draps. Un photographe d’Air BB vient même immortaliser ton chez-toi gratos pour créer ton annonce (avec son grand-angle, ton studio de 12 m2 paraît tout de suite le double). Comme c’est à la limite de la légalité, tu devrais normalement prévenir ton proprio, le déclarer à ta mairie et aux impôts) mais bon, fuck le système des fois aussi, on a bien le droit d’en profiter un peu.

ATTENTION PROBLÈME ÉTHIQUE : comme le rappelle si justement ce témoignage dans un article des Inrocks sur les galères de logement, la contradiction de airbbiser son appart de temps en temps, c’est de participer indirectement à la hausse des loyers sur Paris. Pfff, pas facile de magouiller la conscience tranquille.

VACANCES

Comme le dit si bien un proverbe chinois, la plus grande des économies, c’est la gratuité. C’est là qu’on en vient au couchsurfing, soit textuellement surfer sur le canapé. Enfin, plutôt dormir dedans. Si tu es jeune, sympa, baroudeur dans l’âme et que tu aimes les rencontres, c’est pour toi. Comme pour le covoiturage, et Air BB, le site fonctionne comme un réseau social avec un système de profil pour échanger avec tes futurs nouveaux copains avant de poser ton duvet dans leur salon.

Et aucune obligation d’accueillir chez toi pour avoir le droit de squatter chez les autres. Tout bénéf’ quand on a le sens de l’aventure (plus à 20 ans qu’à 30 donc).

C’est bien beau de voyager, mais donner du sens à son voyage, c’est encore mieux (proverbe vietnamien). Le woofing est une bonne solution quand on veut voyager intelligent, économique, utile mais qu’on a envie de mettre la main à la pâte, ou plutôt à la terre. Pas question de farniente ici, l’idée est de filer un coup de main (couramment dans une exploitation familiale, très souvent biologique) en échange d’un lit et des repas.

Rencontre, partage, cohabitation et immersion locale garanties.

Même principe sur le site Job For Bed (moins développé). Tu peux te faire prêter une maison au Portugal contre un coup de peinture sur le portail, ou biner le potager familial contre une chambre dans une chouette maisonnette aveyronnaise.

Sans parler de tous les chantiers participatifs sur lesquels on pourrait faire un article entier. Surtout intéressant pour les néo-ruraux qui s’intéressent à l’écoconstruction (comment construire une maison en paillle, l’enduit à la terre…). Un vrai retour à la terre (mieux que de lire Manu Larcenet) et à l’entraide communautaire. (voir les sites La Maison Écologique, Botmobil et plein d’autres…)

AIME TON PROCHAIN AIME TON VOISIN

Tu as besoin de cours d’anglais et tu sais jouer de la guitare ? Plutôt que de payer pour l’un et de te faire payer pour l’autre, la meilleure solution, c’est la banque de temps. Le système des SEL (Service d’Echange Local) existe depuis longtemps sur ce principe : plutôt que de payer des services en monnaie argent, les utilisateurs utilisent une monnaie virtuelle qui correspond à une valeur de temps : pas besoin d’avoir fait Math Spé pour saisir le principe.

Donnant / donnant, gagnant / gagnant. C’est beau la solidarité.

You know Pump it up mais do you know Pumpipumpe ? : tu colles un autocollant sur ta boîte aux lettres pour dire que tu veux bien volontiers prêter ta perceuse ou ton mixeur tellement t’es sympa. Ça évite à tout le monde d’acheter des outils dont on ne se sert qu’une fois tous les 5 ans et ça crée du lien avec les voisins. À développer dans ta cage d’escalier, yo.

Voilà les enfants, quelques pistes pour démarrer votre nouvelle vie de citoyen solidaire et investi dans la communauté de babos urbains.

J’arrête ici pour aujourd’hui mais j’aurais pu faire une thèse tellement qu’y a des chouettes choses à faire et tant de gens formidables pour les mettre en place.

La prochaine fois, je vous parlerai des fripes et brocantes solidaires, du don (oui, oui, le don désintéressé mais néanmoins très intéressant), des monnaies locales (quelques projets en cours en Île-de-France figurez-vous), des banques et épargnes solidaires (autant investir dans des chouettes projets plutôt que d’enrichir les méchants banquiers). Je vous parlerai d’amour aussi. Parce que c’est beau et que c’est gratuit.

POUR ALLER PLUS LOIN, ALLER PLUS HAUT :

Hors-série d’Alternatives Économiques sur l’économie sociale et solidaire

Base de données des initiatives d’économie solidaire en France

À lire le mensuel La Décroissance notamment la rubrique « Simplicité volontaire » pour ceux qui veulent tout envoyer balader pour changer de vie :

Elise

Elise a 31 ans et un petit bonnet Saint James qu'elle aime beaucoup mais qu'elle a perdu. Elise, ça fait presque un an qu'on la connait, elle a rejoint notre groupe, Mercredi Equitation, pour remplacer Elsa à la batterie. On a constaté depuis que c'était une fille super, qui en plus de savoir traiter nos papiers administratifs, de nous supporter quotidiennement et de bourriner sévère à la batterie, avait une culture musicale de malade. Tu vas la revoir souvent ici, en tout cas on espère.