Eyes Behind c’est Mariette, Olivier, avant Zaza et maintenant Emilie. Ils font de la musique qui défonce, vraiment, à la fois post punk et no wave, dissonant et rythmique, hypnotique et carrée. Mais désolée copain si t’attends une vraie critique avec des noms inconnus de groupes dedans, et des références qui veulent rien dire. Leurs morceaux sont trop beaux et parlent tout seul, et puis en plus je sais pas faire. Mais si tu veux te toucher la nouille, ya toujours youporn, t’as qu’a prendre comme tag #mecquifaitchieravecdesgroupesquej’aijamaisecouté. Tu me raconteras.
http://weareeyesbehind.bandcamp.com
Par contre, si tu veux que je te parle d’Eyes Behind, c’est plus bas.
C’était pas vraiment un coup de poignard, les lames ça ne fait pas mal, c’est trop rapide, trop efficace. J’ai plutôt eu l’impression qu’on avait balancé son poing dans mon ventre pour aller y aller chercher tous mes organes vitaux, et puis qu’on ne s’était jamais retiré. Comme si l’intense douleur était en fait un acte de sauvetage, on avait juste voulu me protéger du temps, du vieillissement, de la maladie, de la peine et des sanglots, et qu’on serrait mon cœur fort, tellement fort, pour l’empêcher de battre puis de crever.
Ça a failli me faire pleurer. Dieu est le seul à savoir à quel point je peux être chochotte.
Mariette je l’aime autant que j’ai pu la détester d’une haine injuste. Parce qu’elle s’était aperçue que notre groupe Pussy Patrols’était fini et que Charlotte et moi on osait peut-être pas le dire, et puis parce qu’elle a monté ensuite un groupe de filles, Malatang Machine (futur Eyes Behind), pas longtemps après, parce qu’elle avance toujours et que moi parfois je suis là à attendre qu’il se passe un truc et puis que finalement souvent il ne se passe jamais rien. J’ai fini par aller la voir en concert, forcée par Charlotte, on peut pas rester toute sa vie une grosse conasse elle m’a dit. J’ai pris mon courage et puis je me suis dit qu’au pire je dirais que c’était nul, et qu’on fait bien de plus jouer ensemble, on est trop différentes et tout, c’est pas que c’est nul, j’aime pas, je dirais ça ouais, “c’est cool, mais c’est pas mon truc”.
Je me suis mise devant, alorscommeçatujouessansmoihinhinhinetbahjeregarde, j’ai jamais vue Mariette en concert, finalement, j’étais toujours à sa gauche. Elle m’a fait un coucou, puis a fait chier à régler ses amplis super longtemps (Mariettestyle), a fait chier à régler ses pédales super longtemps, et elle a fini enfin par tout lancer.
Et bim.
Le coup de poing salvateur. La basse de Vic roulait toute seule, la ba(s)se idéale, véritable terrain de jeu avec des tapis en mousse pour pas que tu te fasses mal, alors que la batterie agressive et chancelante de Zaza faisait des rythmes que je ne comprenais pas, jamais là ou on l’attendait. Pendant ce temps la guitare de Mariette crachait tout, tout, elle hurlait, puis d’un coup chuchotait comme si elle me parlait à moi, et me demandait pourquoi on avait pas fait ces morceaux qui butaient, ces trucs dissonants et qui font mal, et qui tournent jusqu’à te foutre la gerbe, un peu no wave mais avec des vagues incessantes, pourquoi on l’avait jamais vraiment écouté Mariette alors qu’elle avait plein de choses belles et fortes à dire, hein, pourquoi ?
Ce soir j’étais là et j’ai tout entendu, tout ce qu’elle avait sur le cœur, l’amour et la mélancolie, la haine et puis l’incompréhension, ce petit moteur qui la fait tout le temps avancer, sa personnalité ultra complexe alors qu’au début tu penses l’avoir cernée, tous les autres petits trucs qui font qu’elle est juste pas comme les autres, que la musique d’Eyes Behind non plus est pas comme les autres, et que tout est là, devant moi, et sans moi, et c’est pas grave.
C’est pas grave parce que c’est beau, et puis c’est sincère, tu comprendrais si tu la connaissais Mariette, non, je dis de la merde, tu la connais un peu si tu écoutes les morceaux d’Eyes Behind. Sa voix mêlée à celle de Zaza ça apporte un truc différent, quelquefois au bord du précipice, à la fois super triste mais aussi revendicateur, un chœur quasi virginal qui vient d’au dessus. C’est féminin et c’est couillu, c’est beau sans être mièvre, c’est décadent sans être bancal. Alors quand elle m’a demandé à la fin ce que j’en avais pensé, avec cet air un peu désolé parce qu’elle trouve toujours qu’il y a un truc qui a merdé, j’ai encore fait ma conasse, et puis j’ai dit
“Non, non, c’était pas mal” Et puis c’est tout.
Parce que je voulais pas être une chochotte.
Parce que je voulais pas dire qu’Eyes Behind avait encore son poing dans mon ventre.
Depuis Vic est retournée en Chine, et puis Olivier (mais si, tu sais, le mec de Cheveu) est arrivé. En gardant le jeu trace-sa-route de la basse (mais avec la touche masculine/axe déodorant/bisouquipique), il a pris en plus ses synthés et ça a propulsé le truc dans une orbite glauque et choupi qu’on ne peut atteindre que si on accepte de lâcher prise. Il a cadré le truc, a installé des rambardes pour que tu te sentes en sécurité, et il a apporté une dimension dansante, il est fort Olivier, faudra pas lui dire, mais il est fort. Alors je l’ai encore plus fermé quand je les ai vu à trois et planqué mes petites larmes d’admiration, c’est pas la fête de l’école ici Marine, c’est Paris et les gens font la gueule parce qu’ils trouvent tout normal et chiant. Tu applaudis mollement et tu vas prendre une bière genre de rien du tout.
Zaza ensuite aussi est partie et j’ai pas encore vu Eyes Behind avec Emilie, la nouvelle batteuse. Mais j’ai presque pas besoin, comparé à toi.
Il est encore là, tenant au chaud mon palpitant, le poing qui m’a retourné le bide,
comme les larmes dans mes yeux,
mes yeux qui sont derrière.
Tu peux choper le vinyle chez Jeetkune Records.
Et puis si tu veux des places pour assister à leur release party, on attend toujours ton poème initiale HEIN FAINEANT VA. T’as jusqu’à ce soir.