J’ai rencontré Retard par hasard. Au détour d’un café. Puis je me suis rendu compte que moi aussi j’avais des trucs à dire. Ou du moins que j’avais envie de partager certaines expériences et réactions avec vous. Si tu lis Retard, tu connais déjà le principe. Si tu connais Catherine, tu sais qu’elle aussi t’aime déjà. No matter what. Parce que oui Catherine a beau avoir le prénom de plus français du dictionnaire des prénoms, elle connait aussi la langue de Shakespeare et Afida Turner.
Récemment j’ai décidé que j’avais envie d’avoir les cheveux longs. Pas juste une frange, mais long de façon à pouvoir les attacher en une petite couille sur le haut du crâne. Comme tout le monde me direz-vous. On est d’accord. L’industrie capillaire a même donné un nom à cette tendance masculine : le man-bun. Littéralement le chignon pour homme. Rien de bien original. En même temps, j’ai jamais prétendu l’être.
Sauf que quand tu es blond, dégarni des tempes, habitué depuis une décennie à une coupe militaire et que tes cheveux ont tendance à friser dans tous les sens sauf le bon, l’affaire se complique. Tous les garçons qui ont un jour essayé savent à quel point la période d’entre deux est difficile à supporter. Oui je sais, à chacun son combat : certains se battent pour les droits LGBTQ+ ou soutiennent les mouvements Black Lives Matter, moi je me bats avec mes cheveux, et je peux vous assurer qu’il n’y a pas de sous combat.
6 mois sans aller chez le coiffeur et le sommet de ma tête ressemblait à celui d’un bébé qui a pas encore acquis toutes ses capacités en terme de pilosité. Autant dire que c’était pas joli à voir. Parce qu’en plus de les perdre, mes cheveux ont décidé de se parer de plusieurs couleurs différentes en fonction de leur emplacement : du blond très clair au châtain, en passant par le roux, voire même à certains endroits, ils deviennent transparents (comprendre ici qu’ils tombent, ou s’enfoncent dans mon crane, quoiqu’il en soit ils manquant à l’appel / à la pelle).
Alors qu’un ami me lançait « tu peux toujours te faire mettre des faux chez les coiffeurs afros« , l’idée ne tomba pas dans l’oreille d’un sourd. Ce qui fut le début de mon (long) voyage. Il faut dire que m’étant renseigné, se faire poser des extensions (vrais cheveux) chez un coiffeur spécialisé coûte entre 600€ et 1 000€. Une somme impensable pour une coupe de cheveux, surtout quand tu es jeune diplômé / en recherche d’emploi / plus soutenu financièrement par tes parents.
S’ouvrit alors à moi, les joies d’Internet, des forums, des conseils, des demandes à quelques amies noires… Dans ce grand n’importe quoi et les informations concernant souvent les femmes, c’est un véritable calvaire de s’y retrouver : le yelp de la beauté, Treatwell, ne regorge pas d’avis lorsque l’on cherche un coiffeur afro en tant qu’homme blanc.
Il faut dire que les salons de Château Rouge ont mauvaise réputation, surtout pour une première fois, je voulais éviter le cliché du touriste qui se fait avoir avec une coupe horrible pour la modique somme d’un demi SMIC. C’est ainsi que je me suis retrouvé un peu par hasard, du moins sans m’être renseigné au préalable sur le salon, chez Paradis Beauté, rue du ruisseau, dans le 18ème.
Après quelques (centaines de) questions pour m’assurer de la prestation, je décide de me jeter à l’eau. Si c’était raté, il faudrait couper et puis tant pis. Mais quand on a une qu’une vie, et une centaine de cheveux sur le crâne, on est prêt à tout.
Me voilà donc installé avec Gervaise, ma coiffeuse attitrée, qui est allé m’acheter 3 paquets de cheveux (chic, le plastique c’est fantastique) blonds et châtains. Il fait savoir que les petites échoppes n’ont pas le stock nécessaire pour satisfaire tout le monde (texture, couleurs, formes…). Prévoir donc de passer avant, et choisir ensemble les rajouts à acheter. Malgré cela, j’ai quelque peu halluciné en voyant la couleur choisie, mais finalement tout est rentré dans l’ordre, ou plutôt dans la tresse.
Mardi, 11h, nous commençons par un shampoing et un soin censé nourrir les cheveux. 1 mois dans du plastique, il vaut mieux les protéger au maximum avant de s’engouffrer dans le processus me dit-t-on. Et puis ce qui devait durer 2 ou 3 heures, s’avéra être sans fin. Littéralement 5h30 non stop sur un fauteuil, à parler de tout de rien : son père décédé, les tribus camerounaises, ma famille et la sienne et bien sûr de cheveux.
Je dois dire qu’au début puis jusqu’au 3/4 de la tête j’étais loin d’être convaincu. Sms à tous mes amis, mais qu’ai-je donc fait. Help. Finalement, plus on se rapproche de la fin, plus je me sens bien. Finition et coupe de mèches, Gervaise me fait un beau chignon qui tient bien en place et je quitte le salon à 16h30 passée, pas peur fier ! Délesté de 65€, c’est le meilleur rapport qualité/prix que j’avais trouvé : un autre salon un peu plus haut me demandait 250€ pour le même résultat.
D’autres salons, ou coiffeuse à domicile (pas déclarée) sont sans doute moins chers, mais la première fois étant toujours un peu effrayante, je préférais choisir un lieu plus sûr. Pas dérangé pendant les 5h30, je conseillerais volontiers ce salon pour les « nouveaux ».
À quoi ça ressemble me demanderez-vous ? A tout. Sans doute pas à grand chose. J’ose à peine écrire « rasta blanc » (tête de gland), mais une amie m’a déjà demandé si je m’étais mis au djembé et aux sarouels. Quelques regards appuyés dans la rue, mais également quelques sourires complices, parfois même de personnes aux cheveux afros et donc légitime en terme de culture.
Je ne vous parlerais pas ici d’appropriation culturelle, parce que je n’y crois pas, et que de mon point de vue, je trouve ces techniques impressionnantes (de par le changement qu’elles apportent en quelques heures - demandez donc à Beyoncé qui n’a jamais 2 fois la même couleur / coupe / style). Je ne comprends pas pourquoi je devrais me priver de faire quelque chose avec mes cheveux, dont j’ai envie, sous prétexte que cela n’appartient pas à ma culture.
3 jours après, j’ai déjà perdu 3 des tresses dans mon sommeil. Retour donc chez Paradis Beauté, gratuitement, Gervaise me noue à nouveau les vanilles tombées. En espérant que ce soit les dernières.