RETARD → Magazine

jeudi, 06 octobre 2016

Treize (+ 5) : Paris-Paris

Par
illustration

Treize débute ici
Le tout dernier épisode est là

Paris, septembre 2004

Il fait super froid mais je m’en fous. Je me réchaufferai dans la foule, dans la fosse, au contact d’inconnus qui puent la transpi de houblon et les rêves avortés de carrière de star du rock, surement, tant pis, je ferais des pauses pour prendre l’air et éviter le toucher libidineux de cuirs qui n’ont pas vu un savon depuis bien trop longtemps. Et puis merde, on est en septembre, le jour dure encore un peu, rien qu’un peu, j’allais pas non plus mettre un pull ou un jean sur ce petit corps tout neuf, plutôt crever : moins ya de tissu, mieux je me porte.

En déambulant dans les rues de Pigalle, j’ai l’impression d’être une héroïne des romans de Virginie Despentes en moins crassou, ptet un personnage des romans d’Ann Scott mais en hétéro, je sais pas si ce sont de bonnes comparaisons, mais bon, tant pis, c’est comme ça que je me sens depuis que je suis arrivée à Paris. Tu sais dans le courrier des lecteurs de Rock and Folk, ils demandent chaque fois « c’est quoi être rock en 2004 », mais moi je sais maintenant ce que c’est, c’est cette petite boule dans le ventre qui est prête à te faire faire n’importe quoi, et qui te ronge, presque autant que la bière bouffe les sous que j’ai gagné cet été.

Portée par cette énergie dévastatrice (ou le gros melon de l’âge adulte), j’arrive non sans mal devant l’Elysée Montmartre. J’ai putain de mal à marcher dans cette mini jupe qui ne me permet pas de faire de grandes enjambées, de m’asseoir, ni de respirer. A vrai dire de loin ça ressemble plutôt à une grosse ceinture mais une grosse ceinture cool qui donne un ticket gratuit vers une vue pas mal sympa de ma culotte. Je m’en tape, ça met bien en valeur mes jambes alors si ça te gêne tu peux recevoir mon doigt d’honneur mental et m’en accuser ensuite bonne réception.

Je crois que là, en fonction de la lumière des réverbères, je dois avoir de faux airs de Nancy Spungen avec mon cuir et ma tignasse décolorée, une vraie meuf du rock and roll, pas comme ces puputes de bébé rockeuse sorties de l’école alsacienne et acclamées en page 2 de Rock and Folk par Busty, AH PUTAIN BUSTY JE TE DÉTESTE TOI ET TES CHRONIQUES PRO LIBERTINES, SÉRIEUX LACHE-LE PETE DOHERTY

T’ATTEND QUOI ?

UNE HÉPATITE ?

Je leur gerbe dessus à ces connards en petite veste immaculée, tous autant qu’ils sont, ouais, tu m’as bien entendu, JE LEUR GERBE DESSUS.

Naast - Tu te trompes

RETARD → Magazine - Naast - Tu te trompes

Là, ce soir, avec mes copains, on est venus voir du vrai rock (je sais ce que c’est okay, j’écoute les Ramones et j’ai lu trois livres sur le punk), les Hives, et j’ai envie de tout boire, de rouler des pelles, j’ai envie de pogoter, j’ai envie de voir où la nuit pourrait me porter. Tout autour de moi sent tellement le neuf, j’ai l’impression d’en être au niveau un de ma vie, celui qui débute dans cette capitale qui ne demande qu’à se faire dominer, et moi avec mes bottines blanches de Nancy Sinatra je suis prête à tout, prête à prendre tout ce que Paris peut m’offrir, et je suis sure que ça fait pas mal de trucs, j’ai pas peur, j’ai plus peur de rien. Du haut de mes 12 centimètres et de mes presque 18 balais, putain, l’avenir est devant moi et t’inquiète pas que je vais marquer en plein dedans, merci papa merci maman, laissez moi vous montrer Magic Normand.

Je dois rayonner comme si j’étais enceinte, ou comme les meufs des pubs pour le yaourt qui arrivent enfin à faire popo. Sérieux, Les gens ne savent pas le plaisir que c’est, d’être arrivée au stade final de ta puberté. C’est une revanche sur tout, c’est le même toi qui était Clark Kent mais dans les habits de Superman. Dans les dents les connards du collège, dans les dents les connards du lycée, dans les dents les mecs qui t’ont tapé dans le dos parce que ça serait trop bête qu’on reste pas copains même si t’as des sentiments pour moi, dans les dents les potes qui te laissent volontiers sur le canapé dans une soirée pour se faire tripoter dans les placards.

Vous savez quoi ?

ALLEZ TOUS VOUS FAIRE ENCULER

Tandis que je me dandine au son de mon ipod qui crache du Stooges, trop absorbée par la possibilité de croiser Patrick Eudeline et d’avoir le courage de l’alpaguer pour lui dire à quel point il me fait chier avec son « c’était mieux avant » alors que c’est carrément mieux maintenant, je liste tout ce que je pourrais faire maintenant je suis bien dans mes petites pompes à talons. Avec le goût dans la bouche des cigarettes roses à la Vanille que je crapote non sans mal, subjuguée par l’effet que peut faire ce corps, le mien, je me plais à imaginer l’étendue des possibles, et ce que je vais en faire.

Je le sais, en fait, ce que je vais en foutre.

Je vais le recontacter.

Bientôt.

Pas maintenant, mais bientôt.

La suite ? C’est parti par ici

Marine

Leader Autoritaire
Marine est née en 1986 et vit avec un petit chien trop mignon. Après avoir joué avec des groupes de filles ultra classes d'après les autres membres (Pussy Patrol/Secretariat/Mercredi Equitation), elle gagne sa vie en écrivant sur des sujets cools et se la pète déjà un peu. Ca ne l'empêche pas de traîner en pijama dégueulasse le dimanche en essayant de twerker mal sur du William Sheller. L'AMOUR PROPRE C'EST DÉMODÉ OKAY.

Anna Wanda

Directrice Artistique et illustratrice
Anna est née en 1990 et se balade avec un collier où pend une patte d'alligator. Graphiste et illustratrice particulièrement douée (sans déconner), elle n'est pas franchement la personne à inviter pour une partie de Pictionnary. Toujours motivée et souriante, c'est un rayon de soleil curieux de tout et prêt à bouncer sur un bon Kanye West, tout en te parlant de bluegrass. Par contre, elle a toujours des fringues plus jolies que toi. T'as donc le droit de la détester (enfin tu peux essayer, perso j'y arrive pas). SON SITE PERSO: http://wandalovesyou.com