Pour reprendre Treize du début c’est par là
Le précédent épisode se lit ici
Je ne sais plus quel créateur de mode disait que les femmes ne s’habillaient pas pour les hommes, mais pour les autres femmes.
Ce blaireau ne devait pas être dans ma situation.
Comme si j’étais en descente de drogue, je viens de subitement de perdre toute la confiance que j’avais en moi, en croisant mon reflet dans le miroir des toilettes de l’Elysée Montmartre. Je constate après avoir pavané comme une grue dans la rue tous les efforts bien trop forts que j’ai fait pour attirer l’attention de Barthelemy. C’en est presque désolant. J’ai trop de mascara, trop de rouge à lèvres, ma veste est trop serrée et ma jupe est trop courte. J’ai l’air d’une mauvaise couverture de Rock Magazine, Jennifer Ayache de Superbus des années après sans la mèche rouge infernale et en boudinée.
Je ne m’habille jamais comme ça putain. Jamais. Mais c’est le seul moyen que j’ai trouvé pour qu’il me regarde rien qu’un peu.
Faut être débile hein, pour tomber amoureux de son meilleur copain. Faut être débile pour penser que t’as une chance et que vous pourriez vous lancer dans une relation chouette, parce qu’après tout, vous vous entendez bien non ? C’est pas le rêve de sortir avec quelqu’un que tu trouves cool et qui te plait ?
Ça me plairait beaucoup. Mais Barthélemy s’en fout. Parfois il me drague. Parfois il m’ignore complètement. Parfois nous dormons ensemble. Parfois il fait comme si il ne me connaissait pas. Parfois il drague d’autres meufs sous mon nez, comme si c’était ok, on est potes ou quoi ? Et ça finit par me rendre folle, conne et folle, conne folle et putain de trop maquillée.
Faut être un sacré connard pour en jouer comme il le fait, d’attendre d’avoir mon intérêt, l’attiser, pour se rabattre aussi sec quand j’aimerai lui demander où on en est.
Mais nulle part, putain. Putain de nulle part.
Du coup je ne sais pas quoi faire. Je le déteste et pourtant comme une cruche j’attends un geste, un truc qui pourrait me faire dire que j’ai une chance, une possibilité, une faiblesse, une fêlure dans laquelle je pourrais m’immiscer.
Quand après avoir essayé d’enlever le trop plein de maquillage, je les rejoins dans la fosse, je n’ai même pas le droit à un regard. Moi dont les mots ont toujours trop dégoulinés de ma bouche, je minaude, je la ferme. Je passerai tout le concert un peu à part, comme si la fameuse technique d’ignorer son crush, travaillée pendant toute l’année de ma scolarité CP, pouvait fonctionner maintenant à 18 ans.
Je le vois regarder parfois dans ma direction, mais je suis trop occupée à faire la gueule, avec ma bière tiède près du comptoir.
J’ai les boules, putain, il pourrait se rapprocher, mais la soirée n’est pas terminée. Tout peut encore basculer, ptet qu’on pourra rentrer à pieds et parler, parler longtemps, et qu’il pourra m’embrasser devant ma cité u, c’est tout, je demande pas la lune putain, juste une putain de preuve d’affection qui prouverait que je ne suis pas en train de tout vivre dans ma tête.
Les pogos sont trop violents et je finis par perdre tout le monde de vue.
Ma bière se retrouve sur ma veste dorénavant inondée. Le mec sur lequel je gueule me dit
« fallait pas venir à un concert de rock bébé »
Bébé. Enculé.
J’ai envie de me casser, mais il faut que je résiste, que je patiente. Il viendra me chercher, il peut pas me laisser rentrer toute seule, il a bien vu comment j’étais sapée.
Je reçois un sms à la fin du concert, de son téléphone : « on t’a pas trouvé, on est allés jouer à la console chez Florian. A plus. ROCK AND ROLL »
Connard.
Connard connard connard connard connard.
Je prends le métro à Anvers, en essayant d’éviter les mains baladeuses des spectateurs trop éméchés et misogynes pour s’apercevoir que ça se fait pas de tripoter une minette de 18 ans dont le mascara a bien trop coulé.
Allez tous crever putain
Allez tous crever.
Sauf V.