Warning: Illegal string offset 'id' in /homepages/6/d479635570/htdocs/wp-content/plugins/shortcodes-pro/inc/class-shortcodespro-base.php on line 285
Warning: Illegal string offset 'id' in /homepages/6/d479635570/htdocs/wp-content/plugins/shortcodes-pro/inc/class-shortcodespro-base.php(212) : eval()'d code on line 2
Si tu as raté le début de Treize, c’est là.
Le précédent épisode se trouve ici.
J’arrive à vivre avec ce petit moment longtemps. Je veux dire, j’ai vraiment pas envie de le confronter à la réalité. Quoi, je vais m’élancer et me prendre le plus gros vent de l’histoire de l’Indre et Loire en déclarant mon love éternel à V. ? Plutôt crever. Vous n’étiez pas là cet hiver ou quoi quand j’ai ramassé le peu de dignité qui me restait ? Bon. On la ferme. On dit rien. On attend qu’il se lance.
Du coup, je l’évite. J’ai pas envie de l’entendre dire des merdes sur les autres filles, j’ai pas envie de me demander ce qu’il est en train de foutre avec Rhonda, j’ai pas envie de me faire vanner devant tout le monde et de me sentir super nulle après. Il était magique cette fois-là. C’est ce que j’ai envie de garder dans la tête. Là, ce qu’il s’est passé à la boum, entre lui et moi, personne pourra me l’enlever, même pas sa connerie à lui. C’est à moi. C’est comme ça.
L’été arrive plus vite que prévu et je ne suis pas triste. La seconde partie du reste de ma vie arrivera en troisième, j’en suis persuadée. Mon père a un nouveau travail, cette fois-ci à mille bornes de la maison, sur la Côte d’Azur. Il s’occupe d’un village-vacances. Ma mère, habituée à vivre avec quelqu’un situé à des centaines de kilomètres, se dit que ça serait une bonne idée que je l’accompagne pour les vacances. Là-bas en plus il y a une piscine, un cours de tennis, mes cousines qui sont accessoirement mes idoles, ça serait bien que je passe un peu de temps avec elles.
Je prends l’avion pour la première fois. Arrivée sur la Côte d’Azur, je crois halluciner. La vie ressemble là-bas à un épisode de Beverly Hills, il y a des palmiers partout et des sosies de Loana à chaque coin de rue. La mer n’a pas de vagues ici, on dirait une flaque d’huile d’un bleu qui bute.
Je trouve tout de suite que la région est trop belle pour moi. C’est bizarre hein, mais c’est l’effet que ça me fait. Je peux pas. Cette beauté parfaite, sans fard, même quand les lumières s’allument sur la Baie des Anges et qu’elles créent un collier d’étoiles et que tu te dis que non, ce ne sont que des foutus reverbères, ça te retourne quand même le bide, tout comme ça te donne l’impression d’être une star de cinéma. Et quand t’as le corps de Josiane Balasko, tu sens bien qu’on te la fera pas à toi : t’es pas faite pour être Ava Gardner dans un tel décor, tu es le genre de meuf qui chantera bon anniversaire en lançant des chenilles dans les salles des fêtes pour des arbres de Noël de PME.
Me vendez pas du rêve, je n’en ai pas besoin, je me suis adaptée au monde triste et dur de la réalité.
Dans le sud papa travaille trop, du coup je passe beaucoup de temps avec mes cousines. Elles ont presque 10 ans de plus que moi et décident de m’emmener partout avec elles, comme si j’étais leur égale, alors que tout leur corps suinte le cool et le mien le sébum. Et je suis là, comme Garth devant Alice Cooper, à savoir très bien que je mérite pas d’être là, de boire du coca avec des meufs qui ont des piercing au nez, des tatouages et des pantalons de fou qu’elles ont ramené de la fois où elles vivaient à Londres.
Ouais. Elles ont vécu à Londres.
Je me sens un peu seule. C’est con hein. Je suis dans un décor de rêve avec des gens trop cools, et je me sens seule d’une force difficile à décrire. Je suis pas à ma place. Il y a plein de choses qui me manquent. La rosée le matin sur l’herbe du jardin. Le bruit des criquets à la place de celui des cigales. Les gens qui prononcent la couleur rose correctement. La fraicheur des crépuscules.
Et V.
Mes cousines pourtant sont entourées de garçons. Je crois que je tombe chaque jour amoureuse d’un de leurs copains. Il y a Noël, dont le père a un voilier, et dont je rêve de passer une fois la main dans ses cheveux bouclés. Il y a Florent qui m’a posé plein de questions pour savoir ce que j’aimais dans la vie, et j’aurais aimé lui parler tout le temps si j’avais été capable de le regarder dans les yeux. Il y a Julian, Julian bordel. Ma cousine est sortie avec lui et j’ai cru mourir tellement j’étais jalouse. Un putain d’ange descendu du ciel. Des fois il me fait des vannes et je ris tellement fort que je m’enferme ensuite dans les toilettes des bars où elles m’entrainent tellement je me suis auto-foutue la honte. Je te parle même pas des autres. J’ai tellement hâte d’avoir 23 ans bordel, tous les mecs sont beaux et sympas à cet âge là, ça a l’air simple et cool, et ils ont les cheveux qui semblent carrément super doux.
Elles en profitent en plus pour me faire découvrir plein de morceaux trop bien. Je fais la connaissance de Portishead, Skunk Anansie, Motorhead. Je trouve ça cool mais je préfère écouter You Are my High en boucle quand il passe tôt dans le Morning Live de Michael Youn.
Bordel.
Il fait chaud ou c’est moi ?
Je rentre de mes vacances au taquet. C’est ma dernière ligne droite là, la troisième. Je le sens bien. Je veux dire, tout est possible, mes cousines me l’ont encore répété. Je peux avoir une adolescence magique avec des copains trop beaux et des copines trop sympas et tout ça pas au bord de la mer, certes, mais quand même. Faut juste que je patiente un peu, ça va bientôt être super.
Je retrouve ma classe de section européenne, cette fois-ci avec un peu plus de baume au coeur. Sandra est toujours aussi belle. V. est encore plus bronzé qu’au printemps. Et moi j’irradie comme un putain de soleil de la région PACA. Deux mois au paradis sont passés, je fais enfin partie des grands, des cools, et mes parents, vu que mon père a un taf stable, peuvent enfin me payer
DES FRINGUES DE MARQUE
QUI C’EST QUI S’ACHÈTE UN SWEAT DIA BLEU CLAIR POUR ALLER AVEC MES YEUX ?
C’EST MOI
QUI C’EST QUI S’ACHÈTE UN BAGGY TRIANGLE ?
C’EST MOI
QUI C’EST QUI A DES BASKETS TROP CLASSES ROYAL ?
ENCORE MOI
QUI C’EST QUI VA ENFIN POUVOIR SE DÉCLARER A V. PARCE QUE LÀ C’EST BON JSUIS PLUS UN BÉBÉ ET EN PLUS J’AI TOUJOURS PAS ROULÉ DES PELLES ALORS QUE JE SUIS EN TROISIÈME ?TOUJOURS MOI
Boostée par cette confiance en moi de ouf, mes parents ne me mettent même plus la honte quand ils viennent me chercher. Je rentre donc devant LES YEUX DE TOUT LE COLLÈGE dans la 405 break de ma mère pour ce premier jour de rentrée.
Pourtant,
Dès que j’ai claqué la porte,
Après m’avoir demandé comment s’est passé ma journée
Et sans me regarder dans les yeux,
Elle m’annonce
- « Marine, j’ai aussi trouvé du travail dans le sud de la France. On va pouvoir aller s’installer tous ensemble avec Papa. »
euh
hein
quoi
merde
pardon ?
Ca fait genre 15 ans que je vis en voyant mon père une fois par semaine, sérieux c’est okay hein, on peut le laisser à mille bornes, et puis je viens de commencer l’année, non, c’est pas possible, on part bien à la fin de mon année scolaire hein, ton travail tu l’as trouvé dans 9 mois, en juin, c’est bien juin, moi c’est ok pour moi je passe mon brevet et tout je peux pas partir comme ça pas maintenant pas
- « Si, on déménage à la Toussaint. Tu feras ta rentrée là-bas. Papa est déjà en train de t’inscrire au collège du village ça va être super. Tu n’es pas contente de cette nouvelle vie ? Dans le sud ? Au soleil ?«
Non non pitié faites pas ça non pitié non pas maintenant non c’est trop important je peux pas partir pas aussi vite, pas maintenant je peux aller vivre avec mes grands parents je peux aller vivre chez Sandra même Thomas Micron je m’en fous je peux pas c’est pas
- « Marine. On part dans 6 semaines. La discussion est close.«
Me faites pas ça putain. Vous n’avez pas le droit. Vous pouvez pas faire ça. S’il vous plait. Dites moi que c’est une blague. Maman dis moi que c’est une blague tu peux pas me faire ça
- « Marine. La. Discussion. Est. Close. »
La voiture redémarre.
Me faites pas ça.
Pitié, me faites pas ça.